Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 31 - Les droits des obligataires confrontés à la procédure collective de l’émetteur - 292

292 LES DROITS DES OBLIGATAIRES CONFRONTÉS À LA PROCÉDURE COLLECTIVE DE L'ÉMETTEUR
lequel conformément à l'ancien article L. 626-30-2 du Code de commerce était soumis
au vote des comités de créanciers et, en cas d'adoption, à l'assemblée unique des
obligataires, avant d'être arrêté par le tribunal317. Dans cette hypothèse, la vigilance
accrue du tribunal était de mise, l'élaboration et l'adoption du plan résultant alors
principalement de la volonté d'une majorité de créanciers.
La théorie, pourtant séduisante, fit en pratique peu d'émules. Ainsi, à l'occasion
du contentieux CGG, la cour d'appel de Paris318, saisie par les obligataires porteurs
d'OCEANE contestant la validité du projet de plan de sauvegarde de la société CGG
notamment sur le terrain de l'abus de majorité au sein de l'assemblée unique des obligataires,
déboutait les appelantes après avoir relevé que celles-ci ne soutenaient pas
que « la délibération adoptée par la majorité relative au remboursement des obligations
OCEANE serait contraire à l'intérêt social ». En l'espèce, la cour d'appel retenait
donc la conception classique du droit des sociétés, dont on a vu pourtant qu'elle
se révélait inadaptée au contexte de l'assemblée unique des obligataires. Dans leur
pourvoi en cassation319, ces mêmes porteurs d'OCEANE soutenaient que « l'abus
de majorité devait s'apprécier au regard du seul intérêt de la collectivité des obligataires
et non de celui de l'entreprise ou de la finalité d'un plan de sauvegarde ». Sans
viser expressément l'« intérêt collectif» des créanciers amenés à voter au sein de l'assemblée
unique des obligataires, ces derniers se référaient à l'« intérêt de la collectivité
des obligataires », différence sémantique pour le moins astucieuse, qui ne trompe
pourtant pas sur la réalité de la situation du vote en assemblée unique. À défaut de
pouvoir invoquer des intérêts communs aux obligataires amenés à y voter, les porteurs
d'OCEANE tentaient de déceler au sein de cette assemblée une « collectivité » de
créanciers, dont on ne sait si elle était homogène ou non, vraisemblablement mue
par un intérêt, là encore non qualifié, mais visiblement unique au regard de l'utilisation
du singulier. Il eût été utile que la Cour de cassation se prononçât sur une telle
notion. Malheureusement, le moyen fut jugé irrecevable en ce que la demande avait
été portée dans le cadre de l'ancien article L. 626-34-1 du Code de commerce, qui
limitait les recours aux cas « des contestations concernant la constitution de l'AUO,
sa convocation ou les conditions de sa délibération »320.
Outre la formulation floue de l'article L. 626-31 du Code de commerce, il semble
ainsi que la volonté politique de sauvegarde de l'entreprise et des emplois attachés
constituait un sérieux frein à la remise en cause du plan approuvé par les comités de
créanciers et l'assemblée unique des obligataires, et ce d'autant plus au regard de la
sévérité de la sanction encourue.
II. LA SANCTION
319. Rejet du plan - La vérification par le tribunal de la protection suffisante
des intérêts de tous les créanciers par le projet de plan adopté par les comités et
317. Si cette option a été reprise par l'ordonnance du 15 septembre 2021 pour ce qui concerne le
redressement judiciaire, elle n'est désormais plus possible dans le cadre d'une sauvegarde.
318. CA Paris, Pôle 5, ch. 9, 17 mai 2018, RG nº 17/22760 : BJE 2018, p. 345, note POUJADE H.
319. Cass. com., 26 févr. 2020, nº 18-19737 : LEDEN avril 2020, p. 5, obs. BORGA N. ; BJB 2020,
p. 32, note ALAMOWITCH S., ROUSSILLE M. ; APC mai 2020, repère 115, note ROBINE D. ; Gaz. Pal. 13 oct.
2020, p. 65, note GIORGINI J.-C. ; BJE 2018, p. 293, note FARGES J.-P.
320. Ibid. ; pour un développement sur les contestations relatives à la constitution de l'assemblée
unique des obligataires, sa convocation ou les conditions de sa délibération, v. infra nº 325.

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