Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 31 - Les droits des obligataires confrontés à la procédure collective de l’émetteur - 46

46 LES DROITS DES OBLIGATAIRES CONFRONTÉS À LA PROCÉDURE COLLECTIVE DE L'ÉMETTEUR
logique collective à une logique individuelle »242 se traduisant par le regroupement
d'un ensemble de créanciers face à un débiteur unique et l'absorption de leurs prérogatives
individuelles au profit d'un intérêt jugé supérieur. Le législateur du décret-loi
de 1935, jouant de cette analogie, en a ainsi tiré la notion de « masse des obligataires
», référence explicite à la notion de « masse des créanciers » alors connue du droit
de la faillite243, qui vient corroborer l'idée selon laquelle le droit des obligataires s'est
avant tout construit dans sa confrontation avec le droit des entreprises en difficulté244.
Certains auteurs ont pu réfuter l'idée d'un rapprochement entre ces deux notions245 ;
nous verrons d'ailleurs qu'en dépit d'une dénomination commune, leurs fondements
diffèrent. Reste que l'institution d'un tel groupement sui generis n'est pas sans rappeler
les mécanismes du droit des procédures collectives246, et ce même après l'avènement
de la loi de 1985247 retirant de son vocabulaire la notion de « masse des
créanciers »248.
Les précédents développements permettent de faire émerger une certaine cohérence
derrière l'apparente disharmonie, dont peut être tirée une notion, celle de
« masse dans la masse », conséquence du principe de permanence de la masse à l'ouverture
de la procédure collective de l'émetteur posé par les articles L. 228-83249 et
L. 228-88250 du Code de commerce. Cette notion fondamentale irrigue l'ensemble
des droits des obligataires confrontés à la procédure collective de l'émetteur, de la
déclaration de la créance obligataire jusqu'àl'arrêté du plan. Loin de s'essouffler au
fil des années, l'actualité lui confère aujourd'hui un nouvel éclairage. L'endettement
des entreprises françaises après l'afflux massif des prêts garantis par l'État, mis en
place pour contrer les effets du ralentissement de l'activité lié à la pandémie
de Covid-19, le retour de l'inflation et la crise énergétique font craindre l'apparition
242. LUCAS F.-X., Manuel de droit de la faillite, PUF, 4e
éd., 2022, spéc. nº 243.
243. V. en ce sens Rapport au président de la République française, Décret-loi du 30 octobre 1935
relatif à la protection des obligataires, JO 4 novembre 1935, qui indique que le terme de « masse », appliqué
à la représentation collective des porteurs de titres, a pour la première fois été utilisé dans la loi du 23janvier
1929 sur les porteurs de parts de fondateurs, qui l'avait emprunté au droit de la faillite, avant d'être
repris dans le décret-loi de 1935 en son article 10, actuel art. L. 228-37 du Code de commerce.
244. V. supra nº 5.
245. En ce sens KREHER J., La défense des obligataires, thèse Lyon, Rousseau, 1938, spéc. p. 170, qui
s'interroge sur les raisons d'un tel emprunt, qui « créé une possibilité de confusion avec la masse de la
faillite, confusion d'autant plus dangereuse qu'il n'y a réellement aucun rapport entre la masse de la faillite
et celle des obligataires (...) En tout cas, ne nous lassons pas de le répéter, le mot masse a, ici, un sens tout à
fait nouveau. Il désigne, comme dans la loi de 1929, un groupement sui generis, une sorte d'association
d'une nature particulière ». Pour une position contraire, v. DE JUGLART M., IPPOLITO B. par du PONTAVICE E.,
DUPICHOT J., Traité de droit commercial, Vol. 2 : Les sociétés, Montchrestien, 3e
éd., 1982, spéc. nº 668.
246. V. en ce sens HUREAU G., Les pouvoirs des assemblées d'obligataires, thèse Paris, 1948, nº 96,
p. 123, qui indique que « [...] la notion de masse a été empruntée au régime de la faillite, comme l'avait fait
la loi du 23janv. 1929 sur les parts de fondateur, et peut-être aussi pour montrer qu'il s'agit surtout de
consentir à la majorité des abandons collectifs ».
247. Loi nº 85-98 du 25janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises.
248.
Sur le sujet de la résurrection de l'institution de la masse des créanciers sous le vocable de
« procédure collective », v. LE CORRE P.-M., Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz, 11e
2021-2022, spéc. nº 611.212.
249. Aux termes duquel les représentants de la masse des obligataires sont habilités à agir au nom de
celle-ci, en cas de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires de la société.
250. Aux termes duquel le redressement ou la liquidation judiciaires de la société ne met pas fin au
fonctionnement et au rôle de l'assemblée générale des obligataires.
éd.,
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