Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 166 - Les dispositions inexploitées de la Constitution de 1958 - 26

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LES DISPOSITIONS INEXPLOITÉES DE LA CONSTITUTION DE 1958
14. Le critère de la récurrence de l'usage est essentiel en ce sens qu'il permet de
délimiter la matière à explorer. Ainsi, l'on sait que l'inexploitation renvoie à l'idée du
« zéro usage » ou de la rareté de l'usage. Pour autant, ce premier indice n'est pas
suffisant pour caractériser les dispositions inexploitées. Il doit être complété par un
autre critère : le temps.
2. Un critère complémentaire : le temps
15. En réalité, le critère de la récurrence de l'usage sous-entend en partie le facteur
temporel. Lorsque l'on considère qu'une disposition n'a été appliquée que rarement,
ce constat implique que l'on a pris en considération le temps écoulé avant son
premier usage49, depuis sa dernière application50 ou encore entre deux usages51.La
rareté de l'usage se définit par rapport au temps écoulé depuis l'apparition de la
disposition52. Dans le même ordre d'idées, quand on dit qu'une disposition n'a jamais
été mise en œuvre, cela sous-entend en principe l'écoulement d'un certain temps
après l'édiction de cette disposition. En principe, on ne peut pas intégrer dans la catégorie
des dispositions qui n'ont jamais été exploitées une partie du texte constitutionnel
qui vient d'être édictée53. Néanmoins, il paraît nécessaire d'insister davantage sur
le critère temporel pour deux raisons.
de cette attitude, Georges Pompidou se prononçait devant les députés le 13 avril 1966 en ces termes : « La
lettre et l'esprit de la Constitution de 1958 veulent en effet que le gouvernement soit entièrement libre de
demander ou non un vote de confiance et qu'il appartient de préférence à l'Assemblée de mettre en jeu la
responsabilité ministérielle par la procédure la plus normale et la mieux adaptée, je veux dire la motion de
censure » (Assemblée nationale, 1re
séance du 13 avril 1966, JO du 14 avril 1966, p. 620).
49. Depuis 2008, les présidents des assemblées parlementaires peuvent opposer l'irrecevabilité au
titre de l'article 41 de la Constitution. Aux termes de l'alinéa premier de cet article, « s'il apparaît au
cours de la procédure législative qu'une proposition de loi ou un amendement n'est pas du domaine de la
loi ou est contraire à une délégation accordée en vertu de l'article 38, le gouvernement ou le président de
l'assemblée saisie peut opposer l'irrecevabilité ». Mais le premier usage de cette faculté n'interviendra
qu'en 2015 par le président du Sénat, soit plus de 5 ans après son instauration. Sur cette réactivation de
l'irrecevabilité de l'article 41, V. notamment A. de Montis et P. Jensel Monge, « Le Sénat et le renouveau
de l'article 41 de la Constitution », RFDC, 2017, pp. 860-880 ; Ph. Bachschmidt, « Des tentatives concrètes
d'amélioration de la qualité du travail législatif au Sénat », Constitutions, 2015, p. 521.
50. Le Conseil constitutionnel a été saisi onze fois sur le fondement de l'alinéa second de l'article 41
de la Constitution entre 1958 et 1979, mais ne l'a plus été depuis lors. V. É. Oliva, L'article 41 de la Constitution
du 4 octobre 1958 Initiative législative et Constitution, op. cit., spéc. pp. 217-229. Pour des informations
sur les décisions rendues par le Conseil constitutionnel dans le cadre de cette procédure, V. D. Maus,
Les grands textes de la pratique institutionnelle de la Ve
République, op. cit., p. 184.
51. Par exemple, la demande de nouvelle délibération de la loi a été utilisée trois depuis 1958, mais le
deuxième et le troisième usage sont séparés par un intervalle de temps de près de 20 ans : 9 août 1985 et
4 avril 2003. Sur le premier usage de cette faculté, V. notamment B. Beaufumé, « Le droit présidentiel de
demander une nouvelle délibération de la loi : le précédent du 13juillet 1983 », RDP, 1985, pp. 1238-1262.
Pour une étude globale de cette prérogative élyséenne, V. spéc. J.-Y. Plouvin, « Le droit présidentiel de
demander une nouvelle délibération de la loi », RDP, 1980, p. 1563 ; P. Avril, J. Gicquel, J.-É. Gicquel,
Droit parlementaire, LGDJ, 5e
édition, 2014, spéc. pp. 263-266.
52. La rareté de l'usage est fonction de l'ancienneté de la disposition. Elle ne se détermine pas au
regard du seul nombre d'occurrence. Il est possible qu'une seule application d'une disposition récente ne
soit pas considérée comme un usage rare, alors que plusieurs utilisations d'une autre disposition plus
ancienne ne le seraient pas. Cela est aussi valable lorsque le nombre d'usage est identique avec une ancienneté
différente. La demande de nouvelle délibération de la loi au titre de l'article 10, al. 2 de la Constitution
- édictée en 1958 - constitue une disposition rarement utilisée car elle n'a été mise en œuvre qu'à trois
reprises. Pourtant, la faculté du président de la République consacrée en 2008 ne peut pas être considérée
comme telle quand bien même elle n'a servi que trois fois aussi.
53. Il serait par exemple impossible d'intégrer les dispositions figurant dans le projet de loi constitutionnelle
pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace (projet de loi constitutionnelle
http://www.usages51.La
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