Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 166 - Les dispositions inexploitées de la Constitution de 1958 - 316

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LES DISPOSITIONS INEXPLOITÉES DE LA CONSTITUTION DE 1958
du régime parlementaire institué par la Constitution de 1958 et qui s'est produite
subrepticement au tout début de la Ve
République au moment où l'espoir d'une stabilité
institutionnelle reposait entièrement sur l'efficacité incertaine des mécanismes de
la rationalisation. Le parlementarisme rationalisé a été inventé en 1946 et reconduit en
1958 dans le but de se prémunir contre l'absence éventuelle d'une majorité parlementaire
nette et stable. La correction de l'incohérence résultant de la coexistence du parlementarisme
rationalisé et du fait majoritaire ne peut donc porter sur ce dernier.
667. Toutes les réformes visant à atténuer les conséquences néfastes de cette
situation ont toujours épargné le fait majoritaire. On citera en particulier le débat sur
le mode de scrutin pour l'élection des députés16. Il est entendu que le scrutin majoritaire
qui est actuellement en vigueur défavorise les petites formations politiques au
profit des grands partis17. Afin de permettre une meilleure représentativité au sein
de la chambre, les acteurs ne cessent de réclamer l'introduction de la représentation
proportionnelle pour les élections législatives. Une proposition dans ce sens a été faite
par le comité Balladur qui préconisait une « représentation proportionnelle " compensatrice "
[qui serait] réservé[e] à un nombre de sièges compris entre 20 et 30 [afin de
permettre], se justifiait-il, aux partis que le scrutin majoritaire a défavorisés parce que
le nombre de leurs élus est proportionnellement très inférieur au nombre de voix
qu'ils ont obtenues et dont le total des voix aurait, au premier tour, franchi un seuil
de 5 % des voix, de bénéficier d'une représentation plus équitable »18. Lors de l'examen
du projet de loi de modernisation des institutions de la Ve
République en première
lecture, la commission des lois de l'Assemblée nationale avait rejeté des amendements
traduisant cette proposition au motif que « la tradition française voulait que
les modes de scrutin ne soient pas régis par une norme de niveau constitutionnel, afin
de conserver une certaine souplesse dans leur détermination »19. Cette justification
officielle de la commission des lois en cache une autre. La méfiance à l'égard de la
représentation proportionnelle s'explique surtout par le souci de protéger le fait majoritaire.
Dans son discours à Épinal le 12juillet 2007, le président Sarkozy déclarait
être favorable au « scrutin majoritaire qui, selon lui, permet de dégager des majorités
stables pour gouverner »20. Il ajoutait qu'il était ouvert à la discussion pour « l'introduction
d'une dose de proportionnelle dans l'une des chambres qui permettrait d'améliorer
la représentativité du Parlement sans remettre en cause le fait majoritaire »21.
Ces déclarations indiquent que l'instauration de la représentation proportionnelle
pour l'élection des députés ne devait intervenir que lorsqu'il est garanti qu'elle n'entamera
pas le fait majoritaire. Le gouvernement d'Édouard Philippe a déposé un projet
de loi ordinaire visant, entre autres, à introduire une dose de proportionnelle à
hauteur de 15 % pour les élections législatives22. Ainsi, 61 des 404 députés, après la
16. B. Dolez et A. Laurent, « Modes de scrutin et système de partis », Pouvoirs, 2017, nº 163,
pp. 55-69.
17. B. Daugeron, « Représentation/représentativité : quels enjeux constitutionnels à la réforme du
mode de scrutin pour les élections législatives ? », LPA, 9juillet 2018, nº 136, p. 10.
(17) B. Owen, « Aux origines de l'idée proportionnaliste », Pouvoirs, 1985, nº 32, pp. 15-30.
18. Rapport du comité Balladur, op. cit., p. 69.
19. J.-L. Warsmann, « Rapport nº 892 fait au nom de la commission des lois sur le projet de loi
constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République », préc., p. 99.
20. Nicolas Sarkozy, « Discours d'Épinal, 12juillet 2007 », in Constitution française du 4 octobre
1958 Après la révision constitutionnelle de juillet 2008, La documentation française, édition 2015.
21. Ibid..
22. Assemblée nationale, Projet de loi nº 976 plus une démocratie plus représentative, responsable et
efficace, déposé le 23 mai 2018.

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