Manuel - Droit des collectivités territoriales - 3e - 232

DROIT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
principes constitutionnels d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la
loi et d'unicité du peuple français » et ne pouvait pas être ratifiée en l'état
(cons. 10). Le gouvernement avait déposé, le 31juillet 2015, un projet de loi
constitutionnelle visant à autoriser la ratification de la Charte européenne des
langues régionales et minoritaires. L'adoption de cette loi nécessitait l'accord
des deux assemblées puis celui du Congrès du Parlement. Le Sénat ayant
refusé de débattre d'une telle question, la révision de la Constitution et la
ratification de la Charte sont reportées à une époque permettant la réunion
de ces conditions politiques favorables.
La seule exception admettant l'existence de droits particuliers à des individus
est posée à l'article 75 de la Constitution. Ce dernier dispose que « Les
citoyens de la République qui n'ont pas le statut civil de droit commun, seul
visé à l'article 34, conservent leur statut personnel tant qu'ils n'yont pas
renoncé ». Cette exception au régime de droit commun, qui admet l'existence
d'un statut civil coutumier, concerne la Nouvelle-Calédonie (statut civil coutumier
kanak), et pendant longtemps Mayotte du fait du statut coranique des
Mahorais musulmans, et Wallis-et-Futuna pour les habitants soumis au statut
civil coutumier. Le Conseil constitutionnel a précisé toutefois que « les
citoyens de la République qui conservent leur statut personnel jouissent des
droits et libertés de valeur constitutionnelle attachés à la qualité de citoyen
français et sont soumis aux mêmes obligations » (déc. nº 2003-474DC du
17juill. 2003, Loi de programme pour l'outre-mer). En conséquence, si le
législateur ne peut mettre fin au statut personnel reconnu par l'article 75 de
la Constitution, il ne lui est pas interdit de modifier ce statut dans un sens
conforme à des exigences constitutionnelles comme l'égalité des droits ou la
dignité de la personne humaine. Le Conseil a ainsi admis dans la décision
précitée que la loi avait pu, sans méconnaître l'article 75, abolir la polygamie
et la répudiation pour tous les Mahorais de droit civil local atteignant l'âge
requis pour se marier après le 1er
janvier 2005.
La décision de 1999 illustre le lien profond, en France, entre la définition
d'un peuple et la reconnaissance d'une langue qui doit être utilisée dans l'espace
public.
B. La langue de la République
201. L'un des liens qui permet en effet de consacrer l'unicité du peuple
peut être la langue parlée par ce groupe, tant l'unité nationale peut
être associée à l'unité linguistique, notamment dans l'histoire de France.
C'est avec la révision constitutionnelle du 25juin 1992 que le français a
été érigé comme langue de la République, à l'article 2, alinéa 1er
de la
Constitution. Le juge constitutionnel a fait application de cette disposition
et a distingué la sphère privée, dans laquelle l'usage d'une autre langue
que le français est possible au nom du principe de la liberté de communication,
inscrite à l'article 11 de la Déclaration des droits de 1789, et la
sphère publique pour laquelle le français est la langue officielle et donc
la seule à pouvoir être utilisée dans ce cadre (déc. nº 94-345 DC du
29juill. 1994, Loi relative à l'emploi de la langue française). Dans le
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