Manuel - Introduction générale au droit - 7e - 101

Dire le droit
probable, « la plus solide ou moins vulnérable »17
d'évaluer la valeur probante18
juge19
. Pour cela, il essaiera
de ces éléments. Elle dépendra du sérieux,
de la crédibilité et du degré de vraisemblance de chaque preuve produite
mais aussi de leur regroupement et recoupement en un faisceau d'indices.
L'appréciation de la preuve laisse donc une part importante au pouvoir du
,puisqu'il s'agit essentiellement de forger sa conviction20
« on appelle preuve ce qui persuade l'esprit d'une vérité » ; selon
H. Levy-Bruhl, « prouver, c'est faire approuver »21
. Selon Domat,
. Ces définitions soulignent
la part de persuasion et donc de jugement personnel inhérent à la preuve. Ce
pouvoir d'appréciation est par ailleurs un pouvoir souverain, qu'il ne sera en
principe pas possible de contester devant les juges du droit. Le large pouvoir
d'appréciation de la valeur probatoire laissé au juge a suscité des craintes, au
temps le plus fort de la défiance envers les juges22
.Cependant,l'expérience
historique s'est chargée de démontrer que le système voulant protéger de la
conviction du juge en lui imposant des preuves légales conduisait à des travers
bien pires encore, dont l'institution de la torture judiciaire est l'exemple
le plus emblématique23
.
99. Contrôle de la qualification. - Mais il ne suffit pas d'établir les
. Les faits
faits : encore faut-il qu'ils correspondent aux catégories du droit. Pour
cela, ils devront être qualifiés, autre opération déterminante24
17. H. BATIFFOL, « Observations sur la preuve des faits », in La preuve en droit, Ch. Perelman et P. Foriers
(dir.), Bruylant, 1981, p. 305.
18. Il est parfois aussi évoqué leur « force probante » mais l'expression désigne également les valeurs respectives
des preuves libres et des preuves légales.
19. Pour l'adaptation de son raisonnement pour intégrer le risque acceptable et le doute raisonnable,
v. M.MEKKI, « Le droit privé de la preuve... à l'épreuve du principe de précaution », D. 2014. 1391.
20. Parfois clairement affirmée par la loi : « hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions
peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime conviction », art. 427
du code de procédure pénale ; ou par le juge : « Pour forger sa conviction, il lui est loisible de se fonder
sur des données de toute sorte, (...) pour autant qu'elle les juge pertinentes », CEDH, 18janv. 1978, Irlande
c. Royaume-Uni, § 209 ; en plus précis, CEDH, Grande Ch., 6juill. 2005, Natchova c. Bulgarie, §147. Également,
devant le juge administratif, v. G. DARCY, « La preuve et le juge administratif», in La preuve,
C. Puigelier (dir.), Economica, 2004, p. 99 ; P. PACTET, Essai d'une théorie de la preuve devant la juridiction
administrative, Pedone, 1952. Pour la rationalisation, sous forme graphique, de la façon dont se forge cette
conviction, v.O.LECLERC,J.H. WIGMORE, Un jalon vers une « science de la preuve », Dalloz, coll. Tiré à part,
2019
21. La preuve judiciaire, éd. M. Rivière, 1964, p. 22.
22. Ainsi, selon Robespierre, « La procédure est une précaution ordonnée par la loi contre l'ignorance, la
faiblesse ou la prévention du juge. Si les juges ne sont pas infaillibles, la loi ne doit pas leur dire : choisissez
les moyens que vous voudrez ; ou alors la conviction des juges ignorants serait substituée aux preuves »,
cité par H. LECLERC,« L'intime conviction du juge : norme démocratique de la preuve », CURAPP, Le for
intérieur, 1995, p. 206, sp. 209.
23. Au Moyen Âge, l'aveu était une preuve parfaite pour établir la culpabilité, ce qui entraîna l'institutionnalisation
de la torture judiciaire. Pour une perspective historique sur la preuve (bien au-delà du seul
exemple de l'aveu), v. Recueil de la Société Jean Bodin, La preuve - 2, Moyen Âge et Temps modernes,1965 ;
B.HERVOUËT (dir.), L'évolution des modes de preuve. Du duel deCarrouges à nos jours, PULimoges, 2014.
24. Sur le thème, Droits, La qualification, nº 18, 1994 ; pour son statut dans le procès, H.CROZE, Recherches
sur la qualification en droitprocessuel, th., Lyon 3, 1981 ; pour les méthodes de qualification utilisées par tous
les juristes dans le raisonnement juridique, Ch. VAUTROT-SCHWARZ, La qualificationjuridique en droit administratif,
LGDJ, 2010 ; J.-L. BERGEL,nº 57 et s.
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