Manuel - Introduction générale au droit - 7e - 118

INTRODUCTION GÉNÉRALE AU DROIT
inconvénient : d'une part, elle présume que le législateur aurait tout
envisagé, présomption bien irréaliste ; d'autre part, elle fixe le sens de
la norme au moment de son adoption et s'oppose donc à toute évolution,
pourtant rendue nécessaire par l'évolution de la société. Aussi, aujourd'hui,
les travaux préparatoires sont surtout exploités pour rechercher
l'objectif de la règle, sa finalité. Cet objectif sera ensuite transposé à
l'interprétation pour lui servir de boussole : faute de réaliser une intention
qu'aurait eu le législateur, le juge réalisera la politique juridique
qu'il poursuivait. Cette méthode, dite téléologique (en fonction du but de
la loi) est très couramment employée par les juridictions françaises et
européennes.
Ainsi, au moment du mariage de Bègles, les textes du Code civil sur la formation
du mariage remontaient à 1804 et étaient fortement imprégnés de
l'esprit du droit canonique. Portalis, l'un des rédacteurs du Code, avait d'ailleurs
clairement déclaré que « le mariage, c'est la société de l'homme et de la
femme, qui s'unissent pour perpétuer leur espèce ». Pour autant, et particulièrement
pour une intention vieille de deux siècles, il faut également s'intéresser
à la volonté du législateur au moment où le juge se prononce (dans
notre cas, en 2007). En créant le Pacte civil de solidarité, le législateur
n'avait-il pas déjà témoigné ne plus être hostile aux unions entre personnes
de même sexe ? Ou, à l'inverse, n'avait-il pas voulu instituer un statut parallèle
justement du fait du refus de leur ouvrir le mariage ? Encore une fois, le
législateur poursuivant plusieurs fins, en même temps ou successivement, il
est souvent possible de conclure à plusieurs interprétations, toutes respectueuses
de sa volonté.
120. La recherche de précédents. - Il est important de rechercher si
une décision a déjà retenu le sens et la portée à donner au texte dans les
mêmes circonstances. Si de tels précédents sont trouvés, ils sont analysés
selon leur portée normative et selon la plus ou moins grande analogie des
litiges : plus une décision aura été rendue dans une situation proche, plus
elle aura prétention à servir de modèle. L'autorité des précédents ainsi
recherchés varie selon les systèmes : dans les systèmes anglo-saxons, le
précédent a force obligatoire, le juge est obligé de le suivre. En droit français,
le précédent a une simple force persuasive : le juge est libre de retenir
une autre interprétation120
de cohérence de la jurisprudence va généralement le pousser à respecter
le précédent. Dworkin utilise ainsi l'image de juges écrivant « un roman à
la chaîne » : si chacun ajoute un chapitre, tous doivent respecter une certaine
continuité de l'histoire121
.
Évidemment, la recherche n'est pas toujours déterminante : les précédents
peuvent manquer, se réduisant à un vieil arrêt isolé (un arrêt du 6 avril 1903
sur le mariage homosexuel) ou concernant des situations proches mais pas
analogues (la jurisprudence sur la délégation d'autorité parentale dans un
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120. V. infra, sur tous ces éléments, nº 352 et s.
121. R. DWORKIN, « La chaîne du droit », Droit et société, 1985/1, p. 61.
. Cependant, le souci de stabilité du droit et
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