Manuel - Introduction générale au droit - 7e - 161

La relativité des systèmes juridiques
résurrection du Droit, la réaction de la Justice »40
.D'abord, la philosophie
des Lumières, portée par les révolutionnaires, va être inscrite dans la
Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, qui va placer le « principe
de toute souveraineté » dans « la Nation » (art. 3). De Montesquieu, elle
retiendra une nouvelle séparation des pouvoirs, obstacle aux abus : seul
le pouvoir pouvant arrêter le pouvoir, il doit être divisé en pouvoirs indépendants.
De Rousseau, elle reprendra le principe politique selon lequel
cette souveraineté est dotée d'une volonté générale, nécessairement
bonne. Son incarnation est « la loi, expression de la volonté générale ».
Plus fondamentalement, le rapport de l'Homme à l'État et au droit est
totalement renversé, les droits naturels de l'homme étant placés,
comme nous l'avons vu41
, au fondement de toute puissance. Ensuite, la
France se dote de Constitutions et de régimes parlementaires, d'abord
sous forme de monarchie constitutionnelle, puis sous celle de République.
Après le Roi, le peuple devient donc le nouveau législateur.
Enfin, les idéaux révolutionnaires vont prendre corps dans une activité
législative intense. En effet, outre l'idéal démocratique qu'elle porte, la
loi est également l'instrument le plus efficace pour réformer rapidement
et en profondeur les institutions anciennes : l'ancien droit inégalitaire et
communautaire est remplacé par l'affirmation des principes de liberté,
d'égalité et de respect de la propriété privée (par ex., introduction du
divorce, égalité des enfants légitimes et naturels, égalité des héritiers).
Parmi l'abondante législation d'alors, certaines lois portent des normes
structurelles.
175. Les lois de 1790 et l'organisation judiciaire en France. - S'il
est possible de laisser le corps complet de lois nouvelles se constituer
petit à petit, il n'est guère possible pour un système juridique de se maintenir
et de fonctionner sans juridiction instituée. Or, le décret du 4 août
1789, en abolissant les privilèges, avait fait disparaître les juridictions
seigneuriales42
de commerce43
- ne laissant subsister de l'Ancien droit que les tribunaux
. Rapidement, une nouvelle organisation juridictionnelle
fut mise en place par la loi des 16 et 24 août 1790. Certaines innovations
d'alors ne survivront pas à la période, comme l'élection des juges par les
citoyens ou le mécanisme d'appel circulaire44
.D'autres principes sont
toujours structurants de la justice en France : la gratuité de la justice ou
encore la justice rendue « au nom du Peuple français » en sont quelques
exemples. Cependant, la disposition la plus célèbre est incontestablement
l'article 13, qui fait défense aux juges de connaître des litiges impliquant
40. MICHELET, Histoire de la Révolution française, t. 1, 1847, Introduction.
41. V. supra, nº 51.
42. Décret du 11 août 1789 relatif à l'abolition des privilèges : « Art. 4. Toutes les justices seigneuriales sont
supprimées sans aucune indemnité, et néanmoins les officiers de ces justices continueront leurs fonctions
jusqu'àce qu'il ait été pourvu par l'Assemblée nationale à l'établissement d'un nouvel ordre judiciaire ».
43. Les Parlements cessèrent leurs fonctions après un décret du 3 nov. 1789.
44. L'affaire peut être jugée une seconde fois, mais par une juridiction de même nature et non par une
juridiction hiérarchiquement supérieure (comme nos actuelles cours d'appel). À noter que, supprimé dès
1810, l'appel circulaire sera ressuscité en 2000 pour les Cours d'assises.
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