Manuel - Introduction générale au droit - 7e - 59

L'origine de la règle de droit
gouverner58
; politiquement, elle ferait progresser, sous couvert d'humanisme,
des satisfactions de revendications individuelles qui, en définitive,
accroissent chaque fois l'empire de l'État en réduisant l'autonomie du
sujet59
. Enfin, le développement continu des droits fondamentaux n'est
pas une loi naturelle : la période contemporaine est marquée par un
recul de l'État de droit. Au soutien d'un discours politique opposant le
peuple à l'État de droit, la légitimité politique au respect juridique, certains
États, y compris en Europe, portent des atteintes préoccupantes à
l'indépendance des juges et au pluralisme des opinions60
.
B. Lesdroitsaccordés au sujet : lesdroitssubjectifs
55. Bibliographie thématique. - J. DABIN, Le droit subjectif, Dalloz, 2007 (édition originale
de 1952) ; P. ROUBIER, Droits subjectifs et situations juridiques, Dalloz-Sirey, 2005 (édition
originale de 1963) ; Le droit subjectif en question, APD, tome 9, 1964 ; J. ROCHFELD, Les
grandes notions du droit privé, PUF, 3e
éd., 2022.
56. Droit objectif et droits subjectifs. - Les droits naturels individuels
devaient ensuite quitter leur dimension transcendante pour, sous
l'influence du positivisme, se rapprocher de l'ordre du droit positif. Au
XIX
e siècle, la notion de « droit subjectif» va alors prendre corps, pour désigner
le droit appréhendé du point de vue du sujet. Cependant, il en est
pour le droit subjectif comme pour le droit lui-même : « il existe sans
doute autant de définitions du droit subjectif que d'auteurs pour s'intéresser
à la question »61
. Il est ainsi défini soit comme puissance de volonté
accordée par l'ordre juridique (Savigny), soit comme intérêt juridiquement
protégé (Jhering), soit comme faculté de mettre en œuvre à son
profit l'effet juridique de la règle de droit (Motulsky). À chaque fois, il
s'agit de prérogatives reconnues aux sujets de droit et dont l'atteinte
pourra être sanctionnée en justice. Ce prisme de l'individu s'oppose
alors au « droit objectif», qui est l'ensemble des règles de droit ou des normes.
Mais l'opposition est toute relative car il s'agit en réalité d'observer
la même chose, mais sous un autre angle. Le droit objectif aborde les
questions du point de vue, général et abstrait, de la règle (le grand Droit,
selon Jean Carbonnier) ; les droits subjectifs abordent les mêmes questions
du point de vue, particulier et concret, des individus et des situations
(le petit droit). Comme l'exprime très clairement Carbonnier : « si
le droit (objectif) nous permet de faire quelque chose, nous avons le
droit (subjectif) de le faire »62
. Il est possible de donner un exemple de ce
changement de prisme : l'article 9 du Code civil, règle de droit objectif,
58. J.-E. SCHOETTL, La démocratie au péril des prétoires, de l'État de droit au gouvernement des juges, Gallimard,
Le débat, 2022 - l'auteur est conseiller d'État et a été secrétaire général du Conseil constitutionnel ; v. la
critique de D. TERRÉ, APD, tome 64, 2023, p. 587
59. M. GAUCHET, La Démocratie contre elle-même, Gallimard, 2002, qui dénonce que les droits de l'homme
soient devenus une politique, diluant ainsi la puissance de gouverner.
60. V. L. FAVOREU et alii, Droit des libertés fondamentales, préc., nº 54 et s., pour une présentation générale
suivie de deux études de cas : la Hongrie et la Pologne.
61. D. GUTMANN, « Droit subjectif», in Dictionnaire de la culture juridique.
62. Nº 104.
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