Manuel - Introduction générale au droit - 7e - 63

L'origine de la règle de droit
aussi diabolique : « qu'est-ce qu'une source du droit ? ». L'expression n'est
pas moins ambiguë que les autres notions par lesquelles nous avons jusqu'ici
essayé de définir la règle de droit. Classiquement toutefois, elle
désigne les procédés de création des règles de droit. Les principaux sont
la loi, la jurisprudence et la coutume, qui sont reconnues en tant que tels,
dans des proportions il est vrai variables, dans tous les systèmes
juridiques78
.Bardées d'autant de défauts que les notions précédentes de
règle, sanction ou droits fondamentaux, ces sources du droit permettent
globalement d'identifier les règles qui pourront être mobilisées devant le
juge (§ 1). Présentant un droit enfin mis en ordre autour de ces quelques
pôles, ces sources formelles dissimulent que, pour parvenir au résultat
fini de la règle, une masse informe d'acteurs et d'influences se sont
conciliés, affrontés et équilibrés dans leur lutte pour la création du
droit (§ 2).
§1. Les sources productrices du droit
61. Les principales sources du droit. - Selon des modalités, avec
une autorité, et dans des proportions variables d'un système à l'autre et
d'une époque à l'autre, trois sources du droit sont généralement
reconnues79
: le législateur (au sens large80
), le juge et la société, qui produiront
respectivement la loi, la jurisprudence et la coutume. Il est possible
de s'en tenir ici à la présentation qui en est traditionnellement faite
en droit français - présentation qui pourra sur certains points être plus
loin relativisée pour les autres systèmes81
.
La loi est la seule source de droit qui n'est jamais contestée à ce titre, et
pour cause : d'une part, elle est la seule à avoir été instituée par la Constitution
à ce seul effet de créer des règles de droit ; d'autre part, le fondement de
son autorité pour ce faire ne souffre aucune contestation. La loi puise sa force
dans la volonté du législateur, qu'il soit seul (le Prince) ou collectif (l'Assemblée,
qu'elle soit nationale ou internationale). Outre cette position privilégiée
78. Pour nous en tenir à la conception la plus générale. Il aurait été possible d'y ajouter, par ex., les principes
généraux du droit (sur lesquels, v. supra, nº 15 et s.) mais aussi le droit naturel, qui était reconnu
comme source du droit français dans le projet de Code civil de l'an VIII. Ph. JESTAZ, Les sources du droit,
ajoute aux sources traditionnelles le droit révélé et l'acte juridique. J.GAUDEMET, quant à lui, en unissant
législateur et juge, réduit les naissances du droit à trois acteurs : « un pouvoir qui l'édicte, un Peuple qui
l'accepte, une Science qui le formule », Les naissances du droit, p. 373. Enfin, J. KRYNEN identifie trois forces
créatrices du droit, le savant, la loi et le juge, la construction procédant de tensions régulières entre les
deux dernières, Le théâtre juridique, Gallimard, 2018.
79. Cette reconnaissance est parfois posée par les textes, loi ou Constitution, qui déclinent les sources du
droit applicables par le juge. Elle peut aussi, comme en France, être implicite et découler de la pratique des
juristes, et particulièrement de celle des juges. Sur cette conception, v. la norme de reconnaissance
deHART, Le concept de droit,FUSL, 1976 (l'ouvrage original date de 1961) ; et l'analyse de Ph.GÉRARD,
«L'idée de règle de reconnaissance : valeur, limites et incertitudes », RIEJ, vol. 65, 2010, p. 65.
80. Celui qui est compétent pour l'édiction d'un texte, que celui-ci prenne la forme d'une loi, d'un règlement,
d'une convention internationale, etc.
81. V. infra, nº 159 et s. La présentation générale des sources du droit par la doctrine est rare dans les
systèmes de common law. V. toutefois C. K. ALLEN, Law in the Making, Oxford University Press, 7e
1964 : l'auteur y présente la coutume, les précédents, l'équité et la législation.
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