Manuel - Introduction générale au droit - 7e - 71

L'origine de la règle de droit
création du droit est moins celle d'un pouvoir souverain que le produit
d'un rapport de forces permanent. La participation des pouvoirs privés à
l'action des pouvoirs publics va prendre des formes diverses, allant de la
force sourde et diffuse de la pratique, à l'expression structurée (en association,
en entreprise, en fédérations) d'intérêts particuliers, orchestrée
ou non par l'État. L'idée va progressivement se répandre que la règle édictée
par les pouvoirs pourrait ainsi bénéficier de nouveaux atouts : d'une
part, une règle plus adaptée, donnant la meilleure réponse à des besoins
précisément cernés parce qu'éclairée par les meilleurs experts que sont
les destinataires eux-mêmes ; d'autre part, une règle mieux acceptée, la
participation des destinataires facilitant leur adhésion et garantissant
une meilleure effectivité. Pouvoirs et destinataires de la règle vont donc
en devenir les coauteurs, par des métissages assez variés. Les destinataires
s'invitent parfois eux-mêmes, par des actions de lobbying119
. Connu
pour être exercé par des groupes de pression venant défendre les intérêts
de leur profession en cherchant à influencer les décisions du gouvernement,
du Parlement, des institutions européennes ou du juge, il est également,
et de plus en plus, le fait de la société civile. Mais la participation
sera également souvent organisée par l'État, qui ne cherche plus à imposer
unilatéralement sa volonté.
68. Gouvernance, consultation, négociation, régulation. - Les intéressés
sont souvent invités à participer à l'élaboration de la règle120
« gouvernance »121
.La
désigne ce mode ouvert de « gouvernement ». Elle substidont
les mots-clés se résument à « ouverture,
.Justifiée
.L'État multiplie donc les demandes d'avis et de
tue à la décision traditionnelle de l'État, unilatérale et impérative, un mode
de décision participative122
participation, responsabilité, efficacité et cohérence » pour développer
« une approche qui parte davantage de la base que du sommet »123
par les transformations de l'État, elle peut également se prévaloir d'une
démocratie fondée sur l'éthique de la discussion : la définition du bien commun
est recherchée à travers une égale information des intéressés et leur
égal droit de parole124
consultation, propres à recueillir les différentes expertises et à faire participer
les intéressés à la recherche de la politique juridique la plus adéquate.
119. V. J. LAPOUSTERLE, L'influencedes groupes depression sur l'élaboration des normes, Dalloz, 2009 ; M.MEKKI,
«L'influence normative des groupes d'intérêt : force vive ou force subversive ? » JCP2009. 370 et 392 ;
P. DEUMIER, RTD civ. 2010. 62. Sur les clés de succès mais aussi les risques du lobbying, L. VALLÉE, « Élaboration
de la norme et influence », Justice & cassation, 2012, p. 99. V. également infra,nº 210.
120. Cf. P. AMSELEK,« L'évolution générale de la technique juridique dans les sociétés occidentales », RDP
1982. 275 ; J. CHEVALLIER, « Vers un droit postmoderne ? Les transformations de la régulation juridique »,
RDP 1998. 659.
121. V. J. CHEVALLIER, L'État postmoderne, LGDJ, 3e
éd., 2008 ; Ch.-A. MORAND, Le droit néo-moderne des politiquespubliques,LGDJ,
1999 ;A.-J. ARNAUD, La gouvernance. Un outil departicipation, LGDJ, 2014. La notion de
gouvernance, avant cet usage politique, est apparue (et est toujours utilisée) pour la gouvernance d'entreprise,
v. not. B. DONDERO (dir.), La gouvernance et le droit des affaires, Gaz. Pal. 24-28 août 2014, nº 236 à 240.
122. Traduction juridique du développement d'une démocratie participative sur laquelle, L. BLONDIAUX, Le
nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative,Seuil,2008.
123. « Gouvernance européenne - Un Livre Blanc », COM(2001) 428 final, p. 12 et 4.
124. J.HABERMAS, Droitetdémocratie,Gallimard,1997.
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