Bibliothèque de droit social - Tome 87 - La défense de l'intérêt collectif en droit du travail - 236

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LA DÉFENSE DE L'INTÉRÊT COLLECTIF EN DROIT DU TRAVAIL
du travail, inscrivant de la sorte dans la pierre la centralité de l'accord collectif parmi
les sources du droit du travail.
§2. TRANSFORMATION DES FONCTIONS DE LA LOI SOCIALE
257. Le recul de la loi sociale par rapport à l'accord collectif a été formalisé
récemment par la réorganisation de certaines parties du Code du travail selon le
« rubricage tripartite »45 inspiré par le rapport Combrexelle. Les dispositions légales
et réglementaires concernées sont réparties en trois catégories : « ordre public »,
« champ de la négociation collective » et « dispositions supplétives ». Si les deux premières
abritent en général des règles classiquement qualifiées d'ordre public - social,
absolu ou dérogeable46 -,l'introduction d'une catégorie spécifiquement destinée à
accueillir des règles supplétives constitue une innovation notable. La loi supplétive
conserve une fonction de référence pour l'édiction de la norme conventionnelle47 -
elle tient lieu pour elle de modèle de réglementation48 -, mais elle perd à son égard
son caractère impératif: le modèle peut être écarté. Quoique la technique de la supplétivité
soit ancienne, sa mise en exergue dans l'architecture même du Code est symbolique
du recul de la loi par rapport à l'accord collectif (I). Sa généralisation et sa
systématisation sont de nature à favoriser une autoréglementation de l'entreprise (II).
I. MISE EN EXERGUE DE LA SUPPLÉTIVITÉ
258. Les premières pierres de ce Code du travail nouveau ont été posées par la
loi nº 2016-1088 du 8 août 2016, puis par les ordonnances nos
1385 et 1386 du 22 septembre
2017. Les rédacteurs de la loi du 8 août 2016 proposent, dans l'exposé des
motifs du projet de loi, une grille de lecture de la nouvelle architecture autour de
laquelle ils entendent « refonder le droit du travail et donner plus de poids à la négociation
collective »49. Ainsi les règles d'ordre public sont-elles celles « auxquelles il
ne peut pas être dérogé »50, quand le champ de la négociation collective «fixe précisément
le champ de la négociation collective »51 ; les dispositions supplétives, enfin,
sont celles qui « ont vocation à s'appliquer en l'absence d'accord collectif»52.La
centralité donnée à l'accord collectif apparaît de la sorte dans la structure même du
Code du travail : les dispositions légales et réglementaires sont classées selon le rapport
qu'elles entretiennent avec à lui.
45. E. PESKINE,C. WOLMARK, Droit du travail, Dalloz, coll. Hypercours, 16e
éd., 2023, p. 62.
46. F. CANUT,« L'ordonnancement des normes étatiques et des normes conventionnelles - à propos
du projet de loi Travail », op. cit., p. 520.
47. Elles constituent ainsi une référence pour l'action des interlocuteurs sociaux. V. A. JEAMMAUD,
« La règle de droit comme modèle », D., 1990, chron., pp. 199-210, sp. 209.
48. V. sur ce point C. PÉRÈS, « Règles impératives et règles supplétives dans le nouveau droit des
contrats », JCP G., 2016, 454.
49. Exposé des motifs, Loi nº 2016-1088 du 8 août 2016 « relative au travail, à la modernisation du
dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels ».
50. Telle est la définition qu'en donne l'étude d'impact du projet de loi « visant à instituer de nouvelles
libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs », 24 mars 2016, p. 28. L'exposé
des motifs, préc., définissait les règles d'ordre public tantôt comme celles « auxquelles il n'est pas possible
de déroger », tantôt, de manière plus exacte, comme celles auxquelles « aucun accord ne peut déroger ».
51. Étude d'impact du projet de loi « visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections
pour les entreprises et les actifs », préc., p. 28.
52. Ibid.
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