Bibliothèque de droit social - Tome 87 - La défense de l'intérêt collectif en droit du travail - 56

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LA DÉFENSE DE L'INTÉRÊT COLLECTIF EN DROIT DU TRAVAIL
Régime. Il s'organise ensuite en adoptant les formes qui lui permettent de servir au
mieux son but : la défense des intérêts des travailleurs84. Le compagnonnage, qui
avait commencé à se structurer dès l'Ancien Régime, constitue le premier pôle d'agrégation
des travailleurs après l'abolition des corporations (A). Peu à peu, il est cependant
remplacé par des organisations plus modernes, qui remplissent en pratique des
fonctions similaires : les sociétés de secours mutuels (B).
A. LE COMPAGNONNAGE, PREMIER PÔLE D'AGRÉGATION
DES TRAVAILLEURS
38. Parce qu'il est « la seule organisation bien structurée, qui peut satisfaire les
besoins de la main d'œuvre »85, le compagnonnage, déjà clandestin en 1789, est le
premier type d'organisation à bénéficier de la suppression des corporations et de
l'interdiction des associations professionnelles86. Son implantation, ancienne dans
certains métiers, ainsi que la solidarité qu'il offre à ses membres, lui assurent une
popularité assez importante auprès des ouvriers. S'appuyant sur la notion de «fraternité
ouvrière »87, les devoirs compagnonniques permettent le développement d'un
esprit de métier exclusif des patrons et la mise en place de mécanismes d'entraide
entre membres. Ils organisent notamment le placement des compagnons, offrent des
indemnités en cas de chômage et jouent un rôle revendicatif, organisant des grèves ou
des mises à l'index lorsqu'ils l'estiment nécessaire88.
Le compagnonnage connaît son apogée sous la Restauration89, les autorités
publiques voyant d'un bon œil les sociétés compagnonniques, car elles prennent
notamment en charge la création de caisses de secours90. Cependant, le compagnonnage
entre ensuite dans une phase de déclin inexorable, perdant sa prééminence au
profit des sociétés de secours mutuels, qui deviennent « laforme principale de corporation
ouvrière dans les années 1840 »91. Deux séries de causes peuvent permettre
d'expliquer ce dépérissement92. Les premières causes sont dites internes : sont ici
visées les profondes divisions qui le minent93
et auxquelles les compagnons, en
solidarité, et de l'utilité pour eux de s'organiser en vue de préciser leurs objectifs communs et d'en poursuivre
la réalisation », M. DAVID, Les travailleurs et le sens de leur histoire, Éditions Cujas, 1967, p. 94.
84. W.H. SEWELL, Gens de métier et révolutions, op. cit., p. 224.
85. J. ‑P. BAYARD, Le compagnonnage en France, Payot, 1997, p. 121.
86. M. BOUVIER-AJAM, Histoire du travail en France depuis la Révolution, op. cit., p. 83.
87. E. MARTIN SAINT-LÉON, Le compagnonnage, son histoire, ses coutumes, ses règlements et ses
rites, Librairie du Compagnonnage, 1983 [1901], p. 340 : « L'idée qui a présidé à la naissance du compagnonnage,
l'idée qui pendant des siècles a animé cette institution, lui a communiqué sa vitalité et saforce,
n'est autre que l'idée de lafraternité ouvrière. Il existe entre tout groupe d'hommes vivant de la même vie,
partageant les mêmes travaux, exposés aux mêmes dangers, toute une communauté d'intérêts et de sentiments
dont la conscience longtemps obscure finit toujours par s'éclaircir et se préciser ».
88. W.H. SEWELL, Gens de métier et révolutions, op. cit., p. 231.
89. E.MARTIN SAINT-LÉON, Le compagnonnage, Son histoire, ses coutumes, ses règlements et ses
rites, op. cit., p. 120.
90. J. ‑P. BAYARD, Le compagnonnage en France, op. cit., p. 124.
91. W.H. SEWELL, Gens de métier et révolutions, op. cit., p. 228.
92. E.MARTIN SAINT-LÉON, Le compagnonnage, Son histoire, ses coutumes, ses règlements et ses
rites, op. cit., pp. 126-127.
93. M. LEROY, Syndicats et services publics, Librairie Armand Colin, 1909, p. 11 : « Les trois rites
étaient en état de guerre perpétuel, pour des questions de préséance le plus généralement [...]. Chaque
profession ne s'occupait que de ses intérêts et les particularisait à outrance. Le devoirant devait aimer
par-dessus tout sa profession et son rite, comme il croyait que sa province était la plus belle, et le patron
de son village le plus puissant ».
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