Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 73 - Le cumul de sanctions - 51

L'UNITÉ DE PERSONNE SANCTIONNÉE, CONDITION D'EXISTENCE...
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susceptibles de commettre des atteintes aux valeurs considérées comme essentielles à
la société, et pas seulement de simples atteintes à des règles professionnelles ou techniques.
Sur le principe, il apparaissait que les groupementspouvaient enfreindre la loi.
Or, finalement, si les personnes morales étaient capables d'enfreindre des prescriptions
techniques et être punies pour ces faits, pourquoi ne pouvaient-elles pas enfreindre
des prescriptions pénales ? À partir du moment où le droit reconnaissait la faculté
des personnes morales de commettre des fautes, aucun réel obstacle ne permettait
d'empêcher la création d'une responsabilité pénale, si ce n'est le nécessaire respect
du principe de personnalité de la responsabilité et des peines ; or, le mécanisme d'engagement
de la responsabilité pénale des personnes morales mis en place par le Code
pénal de 1992 s'en accommode fort bien.
D'une part, les conditions d'engagement de la responsabilité pénale des personnes
morales, tenant à ce que l'infraction soit commise par son organe ou représentant
et pour le compte de cette dernière, respectent le principe de personnalité de la responsabilité
pénale58.D'autre part, l'immatérialité de la personne morale rendait difficile
sa punition personnelle, mais cet obstacle fut levé par l'adaptation des peines
prévues par le Code pénal à leur nature incorporelle.
47. Incapacité initiale de la personne morale à subir une peine - L'action
publique est conduite pour l'application de la peine59. Or, le Code pénal était, à l'origine,
construit afin que la peine touche une personne de chair et de sang. Ainsi, c'est
en considération du caractère concret, physique, matériel de la personne que les peines
ont été édictées : privation de la vie (peine capitale), privation de la liberté d'aller
et venir, privation de droits attachés à la personne humaine. Un emprisonnement ne
peut être subi par une personne morale ; il apparaissait donc de prime abord difficilement
concevable qu'une personne morale puisse faire l'objet d'une peine. La jurisprudence
avait initialement refusé cette possibilité : « l'amende... ne peut être prononcée
contre un être moral »60. Outre donc l'impossibilité de la personne morale de répondre,d'être
responsable d'infractions, c'est bien son accessibilité à la sanction pénale
que niait la Cour de cassation. La nature immatérielle de l'être moral serait ainsi un
obstacle à sa sanction : incapable de penser et d'agir de son propre chef, il serait tout
aussi incapable de ressentir la souffrance61, étant le but de la poena, du « poids »
venant rétribuer la faute commise et purger l'atteinte portée aux règles qui régissent
la société. Toutefois, ainsi que cela a été rappelé, alors même qu'un groupement ne
pouvait voir sa responsabilité pénale mise en œuvre, il pouvait tout de même subir des
sanctions administratives62, autrement dit des sanctions ayant le caractère d'une
punition63. Aussi, les personnes morales pouvaient, de manière accidentelle, être touchées
par les peines complémentaires prononcées à l'égard des personnes physiques
la composant : les personnes physiques encouraient en effet des peines complémentaires
ou accessoires d'affichage des décisions de justice, de fermeture
58. V. infra,nº 55 et s.
59. Art. 1er
CPP, al. 1er
:«L'action publique pour l'application des peines est mise en mouvement et
exercée par les magistrats ou par les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi ».
60. Cass. crim., 8 mars 1883, préc.
61. Roux le dit en ces termes : « [...] punir unepersonne morale, c'est déclarer coupable d'un délit et
sensible à la peine un être qui ne veut et ne sent pas par lui-même, quelque chose comme un corps sans
âme », J.-A. ROUX, « La responsabilité pénale des personnes morales », préc., p. 240.
62. J.-H. ROBERT, Droit pénal général, préc.,2e
éd., 1992, p. 398.
63. Cons. const., nº 82-155 DC du 30 décembre 1982, préc.

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