Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - Tome 40 - Pierre-Louis Roederer (1754-1835) : science sociale et législation - 221

NATION ET CLERGÉ
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de la Révolution. Après les Cent-Jours, la destruction des drapeaux tricolores
accompagne la construction d'une « sacralité monarchique » intimement liée à l'Eglise,
et à laquelle Bonald et deMaistre associent « les volontés de la providence »154.Sans
opérer un véritable retour à l'Ancien Régime, la monarchie s'efforce de restaurer l'influence
de l'Eglise catholique, à laquelle l'Empire n'avait accordé « qu'uneplace, honorable
certes, mais inférieure »155. Malgré le maintien de la liberté des cultes et du salariat
des pasteurs protestants, la Charte constitutionnelle du 4juin 1814 rétablit « la religion
catholique, apostolique et romaine » comme « religion de l'État »156.L'interdiction de
travailler le dimanche décrétée en juin 1814, la suppression du divorce en mai 1816,
sanctionnent la prééminence sociale du catholicisme ; ces mesures vont de pair avec le
redressement de la situation matérielle de l'Eglise : au faste déployé par la maison ecclésiastique
du roi vient s'ajouter une augmentation substantielle du budget des cultes157 ;
une ordonnance du 31 octobre 1822 parachève la création de nouveaux diocèses, qui
passent de 50 à 80158. Le recouvrement des anciennes fonctions de l'Eglise marque sa
revanche sur la Révolution et l'Empire : le rétablissement de la Compagnie de Jésus en
août 1814 préfigure celui des ordres religieux et des congrégations enseignantes. Une
ordonnance du 5 octobre donne la faculté aux Evêques et Archevêques de fonder une
école ecclésiastique par département, et octroie à ces établissements une autonomie en
rupture avec le monopole détenu par l'Université159. La subordination progressive de
l'instruction publique à l'Eglise est confirmée par la nomination de l'abbé Frayssinous
à latêtede l'Université le 1er
juin 1822, puis du nouveau ministère des affaires ecclésiastiques
et de l'instruction publique le 26 août 1824. Au surplus, l'inapplication du concordat
de 1817, favorable aux intérêts de Rome, n'empêche pas le développement de l'ultramontanisme
ni l'échec de la reconstitution d'une Eglise gallicane160.L'avènement
de Charles X marque une victoire pour le camp des ultras. Il annonce un resserrement
des liens entre l'Eglise et l'État, dont le symbole le plus célèbre reste la loi sur le sacrilège
du 20 avril 1825161. Dans lemêmetemps, s'affirme une opinion de plus en plus
critique vis-à-vis de la restauration religieuse encouragée par le « roi dévot », et hostile
au regain d'influence politique de l'Eglise162.
370. Les premières années du règne de Louis-Philippe s'inscrivent dans la continuité
d'une réaction anticléricale entamée à la fin de la Restauration163. La monarchie
154. Ibid., p. 174-180.
155. C. H. POUTHAS, Le clergé sous la monarchie constitutionnelle, 1814-1848, Revue d'Histoire
de l'Eglise de France, nº 115, vol.29, 1943, p. 25. Voir G. CHOLVY, Y.-M. HILAIRE, Histoire religieuse
de la France contemporaine, Privat, Paris, 1985, p. 13-29.
156. Charte constitutionnelle du 4juin 1814, art. 5, 6, et 7.
157. Fixé à 22 millions en 1817, il atteindra 36 millions en 1829. Voir C. LANGLOIS, in Histoire de
la France religieuse, op. cit., p. 103.
158. C. H. POUTHAS, Le clergé sous la monarchie constitutionnelle, op. cit., p. 28.
159. Voir F. DEMIER, op. cit., p. 79 ; B. BASDEVANT-GAUDEMET, op. cit., p. 60.
160. C. H. POUTHAS, L'Eglise et les questions religieuses sous la monarchie constitutionnelle, op.
cit., p. 107. Voir également J.-O. BOUDON, Religion et politique en France depuis 1789, Armand Colin,
Paris, 2007, p. 41-45.
161. Loi pour la répression des crimes et des délits commis dans les édifices ou sur les objets consacrés
à la religion catholique ou aux autres cultes légalement établis en France, in Duvergier, XXV,
p. 150-154.
162. Voir G. CHOLVY, Y.-M. HILAIRE, Histoire religieuse de la France contemporaine, 18001880,
Privat, Paris, 1985, p. 73-89.
163. Par une ordonnance du 16juin 1828, Martignac avait rappelé l'interdiction d'enseigner aux
congrégations « non légalement établies en France », et procédé à une limitation du nombre d'élèves
inscrits aux petits séminaires. Voir J.-O. BOUDON, op. cit., p. 52.
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