Droit civil - Droit des personnes - 13e - 357

PREMIÈRES VUES SUR LES MAJEURS PROTÉGÉS
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l'éloignement de la société, l'isolement et l'attente. Afin de marquer la rupture avec un passé
que l'on voulait effacer, on cessa de donner à ces établissements le nom d'hospices et on les
désigna par l'asile31
, qui était alors beau. Peu à peu, le mot nouveau a lui aussi fait si peur que
l'on a voulu le supprimer en parlant d'« établissement accueillant des malades atteints de troubles
mentaux » (CSP, art. L. 3211-1, al. 1), brièvement « établissement psychiatrique ».
395. Critiques de la loi Esquirol. - La loi Esquirol a suscité trois types de reproches.
D'abord l'horreur que suscite l'enfermement32
; ce sont surtout les juristes qui en ont fait la
critique, car la loi de 1838, ont souvent dit certains, n'empêchait pas les internements arbitraires.
Des faits divers l'ont démontré de temps à autre, bien que quelques-uns fûssent des
affabulations33
. La seule garantie préalable que la loi Esquirol avait prévue était médiocre : un
certificat médical, qui pouvait avoir été donné par complaisance ou incompétence. Les garanties
sérieuses étaient postérieures à l'internement : des visites régulières faites dans les établissements
psychiatriques par l'administration. D'autre part, la médecine contemporaine n'est plus
conciliable avec l'enfermement : elle est fondée sur la diversité des maladies mentales et le
souci de réinsérer le malade dans la vie sociale ; l'isolement ne peut plus être une thérapeutique
de principe ; les séjours à l'hôpital psychiatrique deviennent souvent brefs et répétitifs ; beaucoup
de malades sont soignés à domicile où ils peuvent trouver de meilleures chances d'améliorer
leur état : le milieu ordinaire de vie et le cadre familial sont (parfois ? fréquemment ?) d'excellentes
thérapeutiques.
396. Antipsychiatrie. - Sans compter le courant antipsychiatrique, aujourd'hui en déclin,
qui a dénoncé le caractère répressif et aliénant de l'hôpital, la complicité du médecin avec
l'État et vanté les free clinics, autogérées par un « collectif » de malades (qui, pourtant, constituent
souvent une tyrannie plus grande que ne le sont les autorités médicales les plus hiérarchisées).
Selon
ce courant, la folie ne tiendrait pas à la personnalité du malade, mais serait causée par
la société, surtout lorsqu'elle est capitaliste et bureaucratique34
elle impose des contraintes35
ou par la famille, surtout quand
(ce qui ressemble à la théorie pénale de la défense sociale qui voit
la cause de la délinquance dans la société, non chez l'auteur de l'infraction). Le fou ne serait pas
un échec de l'espèce humaine, mais un révolté qui ne parvient pas à exprimer sa révolte.
397. Soins et hospitalisations psychiatriques. - Longtemps, ce tourbillon
e siècle. Est alors intervenue une pluie de lois : L. Évin du 27 juin 1990 sur les
d'idées n'a pas affecté la loi de 1838, demeurée inchangée jusqu'à la fin du
XX
droits des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux ; L. Kouchner
du 4 mars 2002 sur les droits des malades (en général) ; L. 9 septembre 2002 sur
les détenus atteints de troubles mentaux ; L. 25 avril 2008 ; les dernières, du
31. Étymologie d'asile : du grec : asulon ou = lieu qu'on ne pille pas, inviolable.
32. DOSTOÏEVSKI, Le joueur :« Ce n'est pas en enfermant ton voisin que tu prouveras sa raison ».
33. Selon M. P. CHAMPENOIS-MARMIER et J. SANSOT, Droit, folie, liberté, PUF, 1983, préf. Fr. Terré,
p. 315 : « 12 cas seulement de séquestrations arbitraires reconnus judiciairement ont été recensés de
1900 à 1970 » ; p. 317 : « On ne devrait plus parler d'internements arbitraires mais d'internements
médicalement injustifiés ». Ex. d'une décision qui condamne l'État à des dommages-intérêts pour internement
arbitraire : T. civ. Seine, 16 juin 1942, Gaz. Pal. 1942.II.173 : « ... L'administration, accordant
une confiance injustifiée aux allégations de la dame Machinot, désireuse de se débarrasser d'un mari,
dont, dans sa requête en divorce, elle n'a cessé d'invoquer la parfaite lucidité, a cru à tort avoir affaire
à un aliéné présentant un danger sérieux pour l'ordre public et n'a pas craint, malgré des certificats
médicaux nettement insuffisants, de recourir à une mesure qui a constitué un internement arbitraire ».
34. Le cinéma américain a exploité ces thèmes. Ex. : Vol au-dessus d'un nid de coucou, de Milos
Forman (1975) tiré d'un roman de Ken Kesey (trad. fr., Stock, 1963) : un patient combat la thérapie de
groupe organisée par l'infirmière ; le film se termine tragiquement ; v. au contraire, The rainman,
de Barry Levinson (1988) où l'aliénation mentale (l'autisme) suscite un amour fraternel, transfigurant
les êtres.
35. Ex. : R. JACCARD, La folie, Que sais-je ?, PUF, 4e
éd., 1988, p. 113 : « Beaucoup de psychoses
apparaissent effectivement, non quand il y a rupture de liens familiaux, mais au contraire là où la rigidité
anormale de ces liens présociaux empêche l'individu de se libérer de la loi de son cercle familial
ou de son groupe restreint resté étranger à la collectivité sociale [...] ».
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