Droit des affaires - Insolvabilité des États et dettes souveraines -1 - 15

Introduction générale

marché secondaire de la dette souveraine 17. Plus encore, ce marché n’est plus aujourd’hui uniquement alimenté par les « Brady bonds » ; ils n’y représentent plus qu’un volume résiduel. La raison en est que les États se sont mis à emprunter en ayant recours dès l’origine à des émissions obligataires. C’est ainsi que pour les seules économies en développement, la part de la dette obligataire dans le stock de dettes externes à long terme de ces États est passée de 4,8 % en 1980 à 45,5 % en 2001 18, et cette dernière proportion n’a fait qu’augmenter depuis. Le phénomène est d’ailleurs général ; il dépasse le seul cas des États moins développés. Ainsi les États membres de l’Union européenne ont-ils aujourd’hui bien plus fréquemment recours à l’émission de titres obligataires qu’à des emprunts bancaires classiques négociés de gré à gré. Pour lutter contre la crise souveraine en Europe, la création d’euro-obligations (eurobonds) a même été envisagée, c’est-à-dire le regroupement des émissions de titres obligataires des États membres au sein d’une agence européenne de la dette 19. En outre, parallèlement à ce marché obligataire, on a également vu se développer un marché des garanties de titres souverains, les bien connus credit default swaps (CDS) ou « couvertures de défaillance » selon la traduction retenue par la Commission générale de terminologie et de néologie 20. Ces contrats sont négociables et peuvent donc changer de titulaires, à telle enseigne que ce sont même développées des ventes de CDS « à nu », c’est-à-dire indépendamment des obligations souveraines sous-jacentes qu’ils sont réputés garantir. En une vingtaine d’années tout au plus, les évolutions qu’a connues l’endettement souverain sont donc considérables et l’on perçoit ﬁnalement assez aisément le dessein général. Là où prévalaient très majoritairement de simples crédits bancaires sont apparus des titres négociables et un marché tant pour les échanger eux-mêmes que les CDS qui les garantissent. C’est à l’évidence une logique spéculative qui progressivement a été instillée en matière de dettes souveraines. Or, ceci n’est pas sans incidence sur les perspectives de défaut. Les opérateurs tentent en effet de les anticiper et tant le marché des titres eux-mêmes que le marché des CDS deviennent alors une caisse de résonance du risque souverain, quitte à en majorer l’importance réelle.
17. R.P. BUCKLEY, « The Facilitation of the Brady Plan: Emerging Markets Debt Trading from 1989 to 1993 », Fordham Int’l L.J., 1998, p. 1802-1815 ; Ph. J. POWER, « Sovereign Debt: The Rise of the Secondary Market and its Implications for Future Restructurings », Fordham L. Rev., 1996, p. 2702-2771. 18. V. MARCUS, « Crises des paiements : une perspective historique, 1980-2002 » in Crises de la dette : prévention et résolution, La Documentation française, 2003, p. 104-120, spéc. p. 107. 19. La proposition a en particulier été faite par le président de l’Eurogroup Jean-Claude Juncker et le ministre italien Giulio Tremonti dans une tribune commune : « E-bonds would end the crisis », Financial Times, 6 déc. 2010. 20. JORF, 19 mai 2009, p. 58.

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