Droit des affaires - Insolvabilité des États et dettes souveraines -1 - 192

186

Les remèdes

Mais à ce premier aspect de la crise s’ajoute et succède une crise du ﬁnancement mondial. Au cours de la décennie écoulée, la croissance mondiale s’accompagne d’une montée des déséquilibres commerciaux bilatéraux. La situation devient paradoxale. Les pays émergents en excédent, car fortement exportateurs, ﬁnancent les pays les plus riches, à l’exemple des États-Unis. Sa balance commerciale est fortement déﬁcitaire. Le budget est lui aussi déﬁcitaire, car les guerres impérialistes coûtent très cher. Les ménages s’endettent fortement. Pourtant les États-Unis drainent l’abondante épargne des pays émergents, de la Chine en premier lieu. Comment s’explique ce phénomène en apparence paradoxal, puisque les pauvres, relativement, ﬁnancent les plus riches ? L’industrie ﬁnancière des ÉtatsUnis est extrêmement dynamique et le dollar jouit d’un privilège exorbitant dans le commerce international 22. Les pays émergents étant, eux, dépourvus d’institutions sociales et ﬁnancières adéquates, les détenteurs de capitaux trouvent leur intérêt à placer leurs fonds sur le marché américain. L’abondance de ces liquidités, et la politique d’argent facile jouent un rôle décisif dans l’ordonnancement de la croissance mondiale. Cette abondance, qui perdure jusqu’à aujourd’hui, alimente un effet de levier, encourageant les acteurs à la spéculation. Par ailleurs, la crise bancaire a conduit les États à engager les ﬁnances publiques dans une politique de sauvetage des établissements ﬁnanciers puis de relance de leur économie. En effet, les autorités politiques ont écarté l’hypothèse de la crise de solvabilité des établissements ﬁnanciers, qui aurait pu conduire à leur nationalisation, leur mise sous tutelle de l’État et le règlement des pertes par les investisseurs 23. Cette solution idéologiquement impensable, a conduit à poser le diagnostic d’une simple crise de liquidité et au sauvetage du système par les ﬁnances publiques. Certains pays de la zone euro aux ﬁnances déjà gravement déﬁcitaires, comme la Grèce, mais aussi beaucoup plus vertueux, comme l’Irlande ou l’Espagne, ont dû emprunter sur les marchés ﬁnanciers à des taux de plus en
22. Sur cet aspect de la question, cf. l’intervention de Ch. DE BOISSIEU (in « Quelle régulation et quels leviers dans la ﬁnance internationale ? », Les conférences du Conseil d’État, 29 juin 2009, p. 13, disponible sur le site du Conseil d’État) qui montre que cette question, pourtant cruciale, a été pudiquement ignorée lors du G 20 de Pittsburg pour ne pas déplaire à la puissance invitante. Il prophétise, à juste titre, que la question ne manquera pas de se poser lors des réunions suivantes du G 20, ce qui s’est effectivement produit. Sur cette question qui reste extrêmement préoccupante, cf., par exemple, V. BORGY, « Le rôle de l’endettement extérieur américain dans les déséquilibres ﬁnanciers internationaux », Regards croisés sur l’économie n° 3, 2008, p. 32 et le blog hébergé par le journal Le monde, Économie et crise aux USA, qui décrypte de façon méthodique la politique ﬁnancière des États-Unis. 23. La solution n’aurait pas été totalement injuste puisque la rentabilité des fonds propres (ROE, return on equity) des établissements ﬁnanciers à la veille de la crise était pharaonique. La banque de ﬁnancement et d’investissement de la Société Générale dégageait un ROE de 43,8 % au dernier trimestre 2006. Northern Rock était très rentable avec un ROE de 23,5 % en 2006, après une crise sévère en 2007, elle sera nationalisée en 2008. Ce qui montre bien, par parenthèse, que la solution de la nationalisation n’est pas si farfelue.

Droit des affaires - Insolvabilité des États et dettes souveraines -1

Table des matières de la publication Droit des affaires - Insolvabilité des États et dettes souveraines -1