Droit des affaires - Insolvabilité des États et dettes souveraines -1 - 193

Le marché de la dette souveraine

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plus élevés. La zone euro, monnaie sans souveraineté, s’est retrouvée au cœur de la tourmente 24. Une crise politique, de gouvernement et institutionnelle, de la deuxième monnaie mondiale se superpose aux autres sur notre continent. À ces deux premiers aspects, on peut encore ajouter la crise d’un modèle de croissance. Depuis le début du XXe siècle et jusqu’à la ﬁn des trente glorieuses, ce que l’on appelle le « régime de croissance » était le régime fordiste. Dans le régime de croissance fordiste, les gains de productivité se partagent entre l’entreprise et les salariés. L’État assure les grands arbitrages. Il applique une politique économique keynésienne, interventionniste. Dans les années 1970, ce modèle évolue au proﬁt des actionnaires, et au détriment des revenus du travail 25. Par exemple, entre 1980 et 1995, la part de la plus-value produite par le travail et celle qui va au capital passe de 29 % à plus de 40 % en France. L’idéologie néolibérale qui triomphe avec Ronald Reagan aux États-Unis et Margaret Thatcher en Angleterre prône le retrait de l’État et le recours au marché. On passe dans un modèle de croissance « postfordisme ». Les résultats ne se font pas attendre, les revenus des plus modestes stagnent ou régressent. En revanche, la fortune des plus riches s’accroît de façon considérable, au point même que les instances, gardiennes du temple libéral comme l’OMC, se disent préoccupées par cette évolution 26. Avec l’internationalisation, les salariés les moins qualiﬁés se trouvent en compétition avec la main-d’œuvre des pays émergents, beaucoup moins chère. En conséquence, les classes les moins favorisées, voire la petite bourgeoisie des pays développés, pour conserver leur niveau de consommation doivent recourir massivement au crédit. D’autant que tout le système y pousse : il faut bien trouver des débouchés à la production. Il résulte de ce mouvement une profonde redistribution des risques au sein de la société. Surtout dans les pays où l’État n’assure pas une protection minimum de ses citoyens.
24. M. AGLIETTA (Macroéconomie ﬁnancière, 5e éd., La Découverte, Paris, 2008, p. 243) écrit : « Nous sommes rentrés dans le monde de la confrontation des puissances économiques et ﬁnancières au service d’objectifs politiques ». De ce point de vue, l’Europe paraît bien mal armée pour ce combat de titans. Elle fait les frais de cette faiblesse congénitale qui transforme sa monnaie en variable d’ajustement du système international. Déjà, à la ﬁn du XIXe siècle, Max Weber plaidait pour une bourse forte dans son pays et il écrivait « une bourse forte ne peut être un club de « culture éthique », et les capitaux des grandes banques ne sont pas plus des « institutions de bienfaisance » que ne le sont les fusils et les canons » (La bourse, Éditions Allia, Paris, 2010, 1e éd., Göttingen, 1894 et 1896). 25. F. LORDON, préc., p. 161 et s. 26. Rapport conjoint de l’OMC et du BIT, Commerce et Emploi, 2007, disponible sur le site du BIT, pp. 23 et 61, qui constate que « la divergence entre le revenu du capital et le revenu salarial suscite de plus en plus d’inquiétude ». En dernier lieu, BIT, Rapport mondial sur les salaires, 2010/ 11, décembre 2010, disponible sur le site du BIT. Sur cet aspect de la crise, cf., par exemple, J.-L. GAFFARD et F. SARACENO, « Redistribution des revenus et instabilité. À la recherche des causes réelles de la crise ﬁnancière », Revue de l’OFCE, n° 110, juillet 2009, p. 75.

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