Droit des affaires - Insolvabilité des États et dettes souveraines -1 - 26

Insolvabilité des États et dettes souveraines

Mais, en réalité, tout dépend de ce que l’on entend par ce terme de « faillite ». S’il s’agit d’indiquer qu’un État ne saurait faire l’objet d’une « liquidation », c’est-à-dire que tous ses actifs seraient dispersés entre ses créanciers jusqu’à sa disparition, il est évident qu’une telle option n’est pas envisageable. Comme l’on fait pertinemment observer deux auteurs, « pendant sa crise ﬁnancière de 1998, nul n’a imaginé, même un seul instant, que la Russie pourrait se séparer des œuvres du musée de l’Hermitage dans le simple but d’apaiser ses créanciers occidentaux » 46. En revanche, tant l’histoire économique que la situation contemporaine démontrent à l’envi qu’un État peut se trouver en état de « cessation de paiement » ; il ne dispose pas des fonds nécessaires pour faire face à ses échéances. Il est vrai que l’on pourrait arguer qu’à l’origine de cette situation, on trouve plus certainement une absence de liquidités qu’une insolvabilité proprement dite, l’État pouvant à terme reconstituer sa capacité de remboursement en recourant à l’impôt. Mais il n’empêche qu’à un moment donné, des créances souveraines parvenues à maturité ne sont plus honorées et que, pour de telles situations, des mécanismes de restructuration de l’endettement non exclusivement fondés sur une adhésion volontaire des créanciers peuvent être envisagés 47. On pourrait bien évidemment penser à avoir tout simplement recours ici aux procédures de faillite prévues par les droits nationaux. Du reste, en 1988, un tribunal de La Haye avait bien tenté de prononcer la faillite du Zaïre et de procéder à la nomination d’un syndic, mais sa décision fut bien vite inﬁrmée en appel 48. En réalité, outre les nombreux obstacles juridiques que pose une telle solution, notamment sur le terrain de l’immunité de juridiction dont bénéﬁcient les États, elle n’est quoi qu’il arrive pas adaptée. Seul un mécanisme transnational peut permettre de régler efﬁcacement la situation de cessation de paiement traversée par un État. La Société des Nations l’avait en son temps déjà bien compris lorsqu’elle entreprit d’instaurer un tribunal international des emprunts. Mais lancée en 1939, cette initiative ne connut pas de suites pour des raisons évidentes 49. En outre, l’approche exclusivement contentieuse véhiculée par ce projet de tribunal doit assurément être aujourd’hui considérée comme dépassée. Il est évident que la
46. C.M. REINHART, K.S. ROGOFF, op. cit., p. 72. 47. Pour une présentation des différents systèmes envisagés ou expérimentés : R.M. AUERBACK, « Sovereign debt - default and restructuring of debts owed to private creditors », Journ. Int. Banking L. and Regulation, 2003, p. 440-452. 48. Sur cette affaire : J.C. SCHULTZ, « Une affaire récente : la faillite du Zaïre devant les tribunaux néerlandais », in L’immunité d’exécution de l’État étranger, Cahiers du Cedin, n° 4, 1990, p. 83-87. 49. Report for the Study of International Loan Contracts, Ligue des Nations, 1939. Cf. G.A. OLIVARES MARCOS, The legal practice of the recovery of state external debts, th. dactyl., Université de Genève – Institut universitaire de hautes études internationales, 2005, p. 129-135.

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