Droit des affaires - Insolvabilité des États et dettes souveraines -1 - 48

Le constat

existe donc une distinction à opérer entre défaut et faillite d’État 1, et même si une telle analyse est toujours probabiliste, cette contribution tâchera de démontrer qu’elle est toutefois utile et pertinente. L’approche orthodoxe – prédominante parmi les économistes – énonce qu’un État ne peut pas faire faillite 2. L’argument se présente de la manière suivante : les États seront toujours capables de régler leurs dettes parce qu’ils auront toujours accès aux marchés ﬁnanciers qui, quant à eux, seront toujours prêts à acquérir de nouveaux titres de créance. Si des États sont en défaut, c’est en raison d’un manque de liquidités et non au motif d’une absence de solvabilité. Au ﬁl du temps, grâce à son pouvoir de lever des impôts, un État sera toujours capable de régler ses dettes, peu importe leur montant. Mais, en réalité, l’histoire des prêts et des défaillances des États au cours des derniers siècles offre une tout autre image, laquelle remet en cause cette approche orthodoxe. Nous allons pouvoir constater que celle-ci est en réalité grevée d’erreurs, tant théoriques que pratiques. La notion de faillite d’État sera ici conceptualisée en ayant recours à des principes établis en droit interne de l’insolvabilité 3. Actuellement, il n’existe pas de procédures collectives à destination des États, ni en droit interne, ni en droit international. Les États privilégient plutôt la restructuration de leurs dettes par la voie de négociations ad hoc avec leurs créanciers. Pour autant, en matière de difﬁcultés ﬁnancières, la différence entre les États, d’une part, et les entreprises et les particuliers, d’autre part, n’est pas aussi importante qu’il y paraît a priori. En se fondant sur des similitudes factuelles, des tribunaux ont d’ailleurs pu établir une analogie entre les faillites d’États et celles des entreprises ou des individus. Force est en effet de constater que les États – comme les entreprises ou les individus – peuvent en réalité faire faillite. Cette notion de « faillite » ne
1. Certains auteurs ne font pas de différence entre défaut et faillite d’État. V. par ex. : E. BORW. WYNNE, State insolvency and foreign bondholders (1951) et PH. R. WOOD, Project Finance, Subordinated Debt and State Loans (1995). Pour des raisons analytiques, il est pourtant indispensable de séparer les deux concepts. 2. Cf. la célèbre remarque aux termes de laquelle « les pays ne font jamais faillite » lancée par Walter Wriston, chairman de Citibank, juste un mois après que le Mexique ait suspendu les paiements de sa dette externe, un événement qui a provoqué la crise latino-américaine dans les années 1980 : W. WRISTON, « Banking against Disaster », New York Times, 14 September 1982, A27 (« Any country, however badly off, will “own” more than it “owes”. The catch is cash ﬂow and the cure is sound programs and time to let them work.”). Il est assez ironique de constater que c’est uniquement l’indulgence du gouvernement américain quant au traitement comptable des crédits détenus par la Banque dirigée par M. Wriston à l’égard des pays d’Amérique latine qui lui permit d’échapper à la déconﬁture. 3. Des juristes du début du XXe siècle ont déjà mentionné ces similitudes, mais leurs observations sont ensuite tombées dans l’oubli. Après la Première Guerre mondiale, la pression sur les ﬁnances publiques a en effet préoccupé de nombreux auteurs. Cf. par ex. : H. LAUTERPACHT, Private Law Sources and Analogies of International Law (1927), 151 ; J. FISCHER WILLIAMS, International Law and International Financial Obligations Arising from Contract (1924), 52.
CHARD AND

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