Droit des affaires - Insolvabilité des États et dettes souveraines -1 - 56

Le constat

Ces quatre ensembles d’arguments sont régulièrement mis en avant dans l’objectif d’établir que la faillite d’État resterait ﬁnalement qu’une simple possibilité théorique, au moins lorsque le montant des actifs des citoyens, des actifs publics et des revenus futurs dépasse celui de l’endettement public. Mais il convient maintenant de confronter cette approche orthodoxe à la réalité des défaillances souveraines telle qu’elle est apparue au cours des derniers siècles.

§ 2. – La capacité juridique des États à faire faillite
Bien que l’argumentation défendue par la doctrine orthodoxe semble à première vue convaincante, la confrontation de cette théorie à la pratique permet d’en déceler les limites. Premièrement, l’argument selon lequel la taxation est susceptible de générer une source illimitée de revenus ne survit pas à une analyse critique. Même si le gouvernement réussit à contourner toutes les contraintes légales à la taxation – de droit interne et notamment constitutionnel – il existe quoi qu’il en soit des limites économiques aux recettes possibles générées par l’impôt. Avec l’augmentation du taux marginal d’imposition, on assiste en effet à une diminution des recettes 21. Ce phénomène est en partie dû au fait que les contribuables les plus fortunés seront alors incités à quitter le territoire. Plus généralement, la propension à l’évasion ﬁscale augmente avec le taux marginal d’impôt. De plus, la période au cours de laquelle les dettes vont être remboursées en faisant appel à l’impôt doit nécessairement être limitée, car elle constitue une contrainte politique majeure. Les gouvernements vont le plus souvent être confrontés à une opposition importante s’ils proposent des augmentations brusques et importantes de l’impôt. À ce phénomène s’ajoute le fait qu’ils ne peuvent pas procéder au remboursement de la dette publique en négligeant totalement les services publics essentiels. En contrepartie des impôts qu’ils honorent, les citoyens s’attendent à bénéﬁcier de ces services publics. Ainsi, il est fort probable que la population s’oppose aux autorités si une partie trop importante des recettes ﬁscales est dédiée au remboursement de la dette au lieu d’être investie localement. Deuxièmement, la conﬁscation des actifs est un mode d’action politique dont l’effectivité est nécessairement limitée. La conﬁscation étendue des actifs des
21. Il s’agit ici de la courbe de Laffer, aux termes de laquelle le rapport entre le taux d’imposition et la recette qu’il génère se présente sous la forme d’un U inversé. Il existe un taux d’imposition qui maximise la recette ﬁscale, au-delà duquel l’imposition plus élevée produit des recettes plus basses pour l’État. Cf. L. B. LINDSEY, “Individual taxpayer response to tax cuts: 1982–1984”, 33 Journal of Public Economics 173–206 (1987).

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