Droit des affaires - Insolvabilité des États et dettes souveraines -1 - 57

La faillite souveraine en droit

ménages ou des entreprises ne sera pratiquement jamais considérée comme une mesure juste. De surcroît, elle est contestable d’un point de vue juridique et elle impose en outre le versement de compensations. Dès lors, l’objectif d’augmentation des ressources publiques ne pourra pas, en réalité, être véritablement atteint par ce moyen. Troisièmement, les États doivent préserver le maintien des services publics essentiels, même en cas de détresse ﬁnancière. Il y a une limite aux économies qu’un gouvernement est en mesure de mettre en œuvre, et ce, pour deux raisons distinctes. Tout d’abord, la réduction des dépenses publiques – une composante du PIB – peut conduire à un cercle vicieux, car elle abaisse le niveau d’activité économique générale, qui lui-même diminue les recettes ﬁscales et ainsi de suite. Ensuite, le devoir de l’État d’assumer ses fonctions essentielles constitue une limite absolue aux demandes des créanciers. En principe, toute dette contractée aujourd’hui implique une diminution dans le futur de la richesse mise à la disposition de la population aﬁn que le remboursement puisse être opéré. De ce point de vue, les créanciers supposent à juste titre qu’un emprunteur va faire des sacriﬁces et réduire les dépenses allouées aux services publics de manière substantielle aﬁn de rembourser le capital et les intérêts de sa dette. Au cours des périodes de croissance économique, les fruits de la prospérité pourront même s’avérer sufﬁsants pour rembourser les créanciers. En revanche, si un État se trouve en situation de crise économique, une réduction du niveau de vie de la population est alors inévitable. Plus la dette à honorer est importante, plus la diminution corrélative de la richesse à la disposition de la population sera grande. Mais cette argumentation connaît une limite incontournable. Le montant qu’un pays est en mesure de transférer chaque année à l’étranger pour honorer ses engagements d’emprunt est nécessairement plafonné, et il serait insensé d’estimer qu’un État est toujours solvable au point que ces paiements pourraient dépasser son PIB. En réalité, aucun État ne peut transférer l’ensemble de son revenu annuel aﬁn de satisfaire les demandes de ses créanciers. Le quatrième argument en opposition avec la théorie orthodoxe est que la monétisation des dettes n’est pas toujours une stratégie possible. En théorie, les États débiteurs de créances exclusivement ou majoritairement libellées dans leur propre monnaie peuvent effectivement augmenter leur masse monétaire pour sortir de leur endettement. Il existe des précédents, lesquels toutefois concernent surtout des situations s’inscrivant dans le contexte de conﬂits armés. L’Allemagne des années 1920 en est un exemple 22.
22. Cf. la meilleure étude relative à l’inﬂuence de l’hyperinﬂation allemande sur la politique économique de cet État et ses conséquences dramatiques sur la redistribution : G. D. FELDMAN, The Great Disorder: Politics, Economics, and Society in the German Inﬂation, 1914-1924 (1993).

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