Droit des affaires - Insolvabilité des États et dettes souveraines -1 - 60

Le constat

étranger, et s’il y a d’autres facteurs d’extranéité inhérents à la transaction, par exemple la monnaie utilisée ou l’existence d’un agent ﬁscal à l’étranger, les tribunaux décident dans la majorité des hypothèses de localiser la dette en dehors du pays emprunteur. Or, dans ce cas, les tribunaux ont alors tendance à proscrire toute suspension de paiement, estimant souvent que celle-ci viole l’ordre public 28. Ceci explique en quoi le versant légal de l’original sin réduit la marge de manœuvre d’un État et complique la résolution des crises ﬁnancières qui l’affectent. Au XIXe siècle au contraire, presque tous les États empruntaient sous l’égide de leur propre juridiction. Le droit utilisé était celui du pays emprunteur. Pendant longtemps, les tribunaux frappaient d’incompatibilité avec la souveraineté étatique le principe selon lequel les dettes d’un État pourraient être gouvernées par un autre droit que le sien 29.

§ 4. – Solvabilité et absence de liquidité
Aux termes d’une déﬁnition communément admise, une entité est solvable si la valeur actuelle nette de ses dépenses actuelles et futures n’est pas plus élevée que la valeur actuelle nette de ses recettes actuelles et futures, sans que ne soient pris en considération ses endettements initiaux 30. Un pays est donc en faillite s’il y a une différence irréconciliable entre ses obligations pécuniaires agrégées et sa capacité de remboursement. C’est du moins l’opinion classique car, à notre avis, la solvabilité d’un État doit aussi être envisagée dans sa relation avec sa capacité d’ajustement, c’est-à-dire ce qui est non seulement économiquement envisageable, mais aussi socialement et politiquement. À cet égard, il est possible de comparer la solvabilité à l’illiquidité, c’est-àdire au non-paiement temporaire de dettes. Conceptuellement, l’illiquidité est distincte de la faillite. Lorsqu’une entité fait face à un manque de liquidités – et peu importe si elle satisfait les conditions de solvabilité –, cela signiﬁe que ses actifs liquides sont insufﬁsants pour honorer ses obligations ou les prolonger. Mais le
28. Allied Bank International v. Banco Credito Agricola de Cartago, 18 March 1995, 757 F.2d 516, 88 ILR 62 ; Libra Bank Limited v. Banco Nacional de Costa Rica. S.A. 570 F. Supp. 870 (1984). 29. BORCHARD, supra note 1, 67 le dénomme le « choix logique ». Pour la jurisprudence anglaise, cf. Smith v. Weguelin, L.R. 8. Eq. 198 (1869) and Twycross v. Dreyfus, 5 Ch.. (1877), 36 L.T. Rep. 752, 755. Pour la jurisprudence française : Tribunal civil de la Seine, 3 mars 1875, The Ottoman Government c. Comptoir d’Escompte et al. 3 JDI 271. Pour la jurisprudence allemande : B.H. v. The Municipality of Vienna, November 14, 1929, Decisions in Civil Matters, CXXVI, 196. Pour la jurisprudence suédoise : SkandiaInsurance Co., Ltd. v. The Swedish National Debt Ofﬁce, cité dans A. PLESCH, The Gold Clause (2d ed., 1936), 66. 30. J. EATON and R. FERNANDEZ, “Sovereign Debt”, in G. GROSSMAN and K. ROGOFF, eds., Handbook of International Economics, 1995.

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