Droit des affaires - Insolvabilité des États et dettes souveraines -1 - 76

Les maux

de créances libellées dans cette monnaie, c’est-à-dire y compris celles pour lesquelles l’État russe lui-même était débiteur 6. Plus subtile, mais non dépourvue également de risques importants à long ou moyen terme, est sans doute le recours tendant à devenir récurrent de la Réserve fédérale américaine au quantitative easing (QE) 7. Ainsi, le 3 novembre 2010, a-t-elle annoncé vouloir injecter 600 milliards de dollars à travers un programme de rachats de bons du Trésor. Ce type d’exercice du pouvoir monétaire est susceptible de porter préjudice aux créanciers dont les titres sont libellés dans la monnaie en cause. Si la question se pose pour les créances à l’égard de débiteurs privés, elle est plus pertinente encore pour les dettes souveraines. C’est alors le débiteur lui-même qui, en sa qualité d’État souverain, actionne son pouvoir monétaire, avec en principe pour effet une diminution du montant de sa dette 8. Dans ce genre de situation, les créanciers de l’État en cause pourraient être tentés d’arguer d’une forme d’expropriation et de rechercher sa responsabilité à ce titre. La jurisprudence existante ne leur est toutefois pas très favorable, en tout cas sur le fondement de Convention européenne des droits de l’homme. Dans une affaire où une Polonaise avait ouvert un plan d’épargne auprès d’une banque nationale et aux termes duquel l’État garantissait la réévaluation des sommes pour tenir compte de l’inﬂation, la Cour européenne des droits de l’homme a en effet considéré que la modiﬁcation par l’État de cette garantie ne constituait pas une atteinte au respect du droit de propriété, tel que posé par l’article 1er du Protocole n° 1 de la Convention 9. Plus généralement, la Cour de Strasbourg considère qu’un État n’est pas tenu de dédommager les citoyens, du moins sur le fondement de ce même texte, des pertes subies du fait de la dépréciation monétaire engendrée par l’inﬂation 10.
6. Cette dévaluation a d’ailleurs été accompagnée d’une restructuration forcée de la dette publique intérieure russe. 7. Ce mécanisme s’appuie sur les travaux de J. GAGNON, un ancien économiste de la Fed : « Currency Crashes and Bond Yields in Industrial Countries », Board of Governors of the Federal Reserve System, International Finance Discussion Papers n° 837 (août 2005, révisé en mai 2008), disp. sur : http://www.federalreserve.gov/pubs/ifdp/2005/837/ifdp837r.pdf/ (dernier accès : 1er sept. 2011). Bien connu des banques centrales, le mécanisme consiste tout simplement à émettre de nouvelles unités monétaires et à racheter, notamment, des bons du Trésor en vue de faire baisser les taux d’intérêt et d’accélérer l’inﬂation. 8. Du moins, s’agissant de la dévaluation, pour la dette publique payable et évaluée en monnaie nationale. En revanche, la dévaluation de la monnaie nationale a pour effet d’augmenter le coût de la part de la dette publique dont la monnaie de compte ou la monnaie de paiement est étrangère. Le Brésil en a fait l’expérience lorsqu’à la suite de la crise qu’a connue cet État en 1999, il prit la décision de dévaluer le Real : A. BEVILAQUA, G. MARCIO, « Debt management in Brazil: evaluation of the Real Plan and Challenges Ahead », World Bank, Policy research working paper, WPS 2402, July 2000. 9. CEDH, 7 sept. 1999, Rudzinska v. Poland, req. n° 45223/99. 10. CEDH, 29 août 2002, Appolonov v. Russia, req. N° 67578/01 ; CEDH, 24 juill. 2003, Riabykh c. Russie, req. n° 52854/99.

http://www.federalreserve.gov/pubs/ifdp/2005/837/ifdp837r.pdf/

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