Droit des affaires - Insolvabilité des États et dettes souveraines -1 - 78

Les maux

dit, les termes du contrat d’emprunt restent inchangés. Simplement, en ayant recours à son pouvoir monétaire, l’État modiﬁe la valeur de la monnaie qui est stipulée dans ce même contrat ; il peut ainsi diminuer le poids de sa dette sans modiﬁer le régime juridique applicable à ce même contrat, c’est-à-dire les règles de droit dont il relève. C’est toute la différence avec l’hypothèse où l’État décide d’adopter de nouvelles règles affectant directement le contrat lui-même. Sous la forme d’un règlement ou d’une loi, il peut notamment décider de promulguer un texte visant à suspendre l’exécution d’un emprunt ou d’un ensemble d’emprunts. Une telle règle fonde alors en droit sa décision de ne plus en honorer les échéances, pendant un certain délai ou jusqu’à nouvel ordre. À titre d’exemple, en 1981, le président du Costa Rica et son ministre des Finances ont ainsi émis des décrets imposant un moratoire du paiement de la dette extérieure stipulée en monnaie étrangère 13. Plus radicalement, un État peut décider d’adopter un texte révoquant le paiement de certaines de ses dettes. Pour prendre un exemple ancien, en 1883, l’État mexicain a choisi de dénoncer unilatéralement et d’un trait de plume la dette contractée en son nom sous le régime de l’empereur Maximilien. À cette ﬁn, le gouvernement ﬁt promulguer la loi du 18 juin 1883 sur le règlement de la dette nationale. Son article I, Section 5, prévoit la disposition suivante : « Nous ne pouvons pas reconnaître, et par conséquent ne pourront être converties, les dettes émises par le gouvernement qui prétendait avoir existé au Mexique entre le 17 décembre 1857 et le 24 décembre 1860 et du 1er juin 1863 au 21 juin 1867 » 14. On a pu évaluer ce défaut à la somme de 100 millions de dollars 15. Un exemple bien plus récent est celui de l’Équateur. Après son élection, le président équatorien Rafael Correa a fait constituer en 2007 une commission d’audit sur la dette publique (Comisiòn para la auditoria integral del crédito pùblico). Ses travaux se sont ponctués par un rapport déclarant illégitimes ou illicites de nombreuses créances de l’État équatorien. Sur son fondement, cet État a décidé le 20 novembre 2008 d’interrompre le remboursement de 40 % de sa dette, constitué de titres arrivant à échéance en 2012 et 2030. La situation s’est alors dénouée de manière assez originale, puisqu’à la suite de cette décision, les titres en cause se sont trouvés très fortement décotés et l’État équatorien a pu

13. J.T. GATHII, « The Sanctity of sovereign Loan Contracts and its Origins in Enforcement Litigation », Geo. Wash. Int’L. Rev., 2006, p. 251-324, spéc. p. 271. 14. Texte cité par A.-N. SACK, Les effets des transformations des États sur leurs dettes publiques et autres obligations ﬁnancières, préf. N. POLITIS, Sirey, 1927, p. 18-19. 15. C.M. REINHART, K.S. ROGOFF, Cette fois, c’est différent. Huit siècles de folie ﬁnancière, Pearson, 2010, p. 31.

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