Droit des affaires - Insolvabilité des États et dettes souveraines -1 - 91

La dette souveraine

Dès lors, il est à peu près acquis que le recours par les États débiteurs à leurs facultés souveraines pour suspendre ou annuler le service de leurs dettes est, dans la grande majorité des hypothèses, bien plus sous-tendu par des motifs économiques que fondé sur une conception sourcilleuse de leur souveraineté. Ils décident de suspendre le paiement de leurs échéances parce qu’économiquement, ils ne sont plus en état de les honorer. La charge est devenue trop importante en comparaison de leurs ﬁnances publiques et de leurs rentrées ﬁscales. Finalement, volens nolens, à l’instar des personnes physiques ou des personnes morales de droit privé, il faut bien se rendre à l’évidence : dans certaines circonstances, les États ne peuvent matériellement plus faire face à leurs engagements. Le dogme encore trop souvent retenu aux termes duquel un État ne saurait faire faillite doit être déﬁnitivement abandonné. Certes, un État ne saurait être liquidé, mais la liquidation n’est qu’une conséquence de l’état de faillite, et non la faillite elle-même. Ce dernier état est caractérisé par l’insolvabilité, c’est-à-dire l’impossibilité pour un État de régler l’intégralité de ses dettes échues à un moment donné. En réalité, l’intervention des États sur leurs dettes souveraines est un remède à cette situation d’insolvabilité. Plus encore, celui-ci n’est en fait satisfaisant ni pour les créanciers, bien évidemment, mais ni même pour les États débiteurs euxmêmes, en réalité. C’est pourquoi la mise en place d’un système prédéﬁni de règlement de l’insolvabilité étatique s’impose. D’ailleurs, il n’est pas inutile de replacer la question au rang des principes. D’un côté, on considère que les États en empruntant ne devraient pas pouvoir bénéﬁcier de prérogatives différentes de celles dont peuvent se prévaloir les personnes privées lorsqu’elles sont débitrices, c’est-à-dire concrètement ne pas avoir recours à leurs pouvoirs souverains. Dès lors, de l’autre, on devrait pouvoir en déduire la nécessité d’instaurer un système de règlement de leurs situations d’insolvabilité, à l’instar de ce que connaissent les débiteurs privés avec les droits nationaux en matière de faillite commerciale ou même de surendettement des particuliers 47. En bref, on ne voit pas la logique de la situation actuelle qui tend à considérer que les États ne doivent pas se comporter en êtres souverains lorsqu’ils exécutent leurs contrats de prêt, mais doivent revêtir à nouveau cette qualité lorsqu’ils sont en situation d’insolvabilité. La mise en place d’un système prédéﬁni de règlement de l’insolvabilité des États est donc impérative. Certes, il existe d’ores et déjà quelques institutions plus ou moins informelles, comme le Club de Paris ou le Club de Londres, mais,
47. V. R. OLIVARES-CAMINAL, « Is there a need for an international insolvency regime in the context of sovereign debt? A case for the use of corporate debt restructuring techniques », Journ. Int. Bank. L. & Reg., 2009, p. 21-34.

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