Confluence, le magazine de l’Agence de l’eau Seine-Normandie - N°69 - Decembre 2019 - 23

a question des relations entre
croissance économique et atteintes environnementales est
ancienne. On la trouve dans le
« rapport Meadows », publié
par le Club de Rome en 1972.
Il y a plus de quarante ans, ce document
alertait déjà sur l'accélération de l'industrialisation, sur la croissance démographique importante, sur l'épuisement des
ressources non renouvelables et sur la
dégradation de l'environnement. Il donnait naissance notamment au concept de
développement durable. L'idée de découplage peut être résumée par cette
simple question : peut-on supprimer la
corrélation entre croissance économique,
utilisation des ressources et atteintes
-environnementales ?

Une croissance qui produit
moins d'impacts
Dans un rapport sur le découplage, le
groupe international des experts sur les
ressources du Programme des Nations
unies sur l'environnement précise qu'il y
a découplage lorsque, dans une économie,
le produit intérieur brut augmente plus
vite que la quantité de ressources naturelles utilisées ou consommées. Mais
d'autres indicateurs peuvent être retenus :
les émissions de CO2, la qualité de l'air,
l'état des masses d'eau... En France, la loi
de transition énergétique pour la croissance verte fixe un objectif de découplage
entre la croissance économique et la
consommation de matières premières.
Ainsi, la productivité des matières doit
croître de 30 % entre 2010 et 2030. Et nos
émissions de gaz à effet de serre doivent
diminuer de 40 % à la même échéance.
Pour mémoire, à cet horizon, 100 % de
nos masses d'eau devraient être en bon
état écologique.

Les limites du découplage
Depuis vingt ans, malgré une augmentation du PIB français et une croissance
démographique, nos émissions de CO2 ont
diminué. Avons-nous réussi le découplage ? « Si on regarde uniquement ce
paramètre, on pourrait le croire, explique
Vincent Marcus, sous-directeur de l'économie des ressources naturelles et des
risques au Commissariat général au développement durable (CGDD). Mais il faut
aussi regarder notre empreinte carbone

« Le découplage
observé sur le bassin
Seine-Normandie
mesure réellement le
succès d'une politique
environnementale. »
Vincent Marcus,

SOUS-DIRECTEUR DE L'ÉCONOMIE
DES RESSOURCES NATURELLES ET DES RISQUES
AU COMMISSARIAT GÉNÉRAL AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE (CGDD)

pacts », observe-t-il. C'est bien pourquoi
la directive-cadre sur l'eau exige un objectif de bon état, ce qui pousse à viser des
niveaux d'impact minimaux des pressions
exercées par l'occupation humaine sur les
eaux.

Les limites de la croissance
« En comparant la courbe du PIB et celle des
impacts environnementaux de la croissance,
on oublie en outre le troisième pilier, social,
du développement durable. Or il est important d'intégrer ces aspects sociétaux dans
l'analyse des activités économiques et de leurs
effets, si on ne veut pas aboutir à des sociétés
trop inégalitaires », poursuit le spécialiste.
Enfin, il questionne aussi la référence au
PIB, s'appuyant notamment sur les travaux de la commission Stiglitz, qui lui
préférait des indicateurs de bien-être. « Il
est nécessaire d'interroger nos modèles économiques à la lumière de nos aspirations au
bien être. Le futur découplage à trouver est
peut-être entre notre bien-être et nos modes
de production et de consommation », conclut
Vincent Marcus. Pour notre bassin aussi,
l'atteinte du bon état passe par une remise
en question de nos usages.

(cf. encadré) qui, en 2015, était toujours au
même niveau qu'en 1995. En fait, nous avons
en partie externalisé nos émissions de CO2.
Du coup, pas d'impact significatif sur le climat qui, lui, est global. Et globalement, dans
le monde, les émissions de CO2 augmentent. »
En effet, si entre 1990 et 2016 les émissions de CO2 en France ont diminué de
12 %, au niveau mondial elles augmenGuillaume Tixier
taient de 60 % sur la même période1...
1. Voir la brochure « Les chiffres clés du climat » :
Pour ce qui concerne les cours d'eau, « le https://www.statistiques.developpement-durable.
découplage observé sur le bassin Seine-Nor- gouv.fr/chiffres-cles-du-climat-france-europe-etmandie mesure réellement le succès d'une monde-edition-2019.
politique environnementale »,
observe notre expert. Effectivement, sur notre bassin, alors
que les pressions économiques
Les clés pour
et démographiques ne cessent
comprendre :
d'augmenter, la qualité des
l'empreinte carbone
cours d'eau parvient à s'améliorer. Les explications de ce
bon résultat sont sans doute à
chercher dans la modernisaSelon le CGDD, l'empreinte carbone
tion de la station d'épuration
représente la quantité de gaz à effet de serre
d'Achères, qui traite les efinduite par la demande finale intérieure
d'un pays (consommation des ménages,
fluents de près de 6 millions
administrations publiques, organismes à but
de Parisiens, et dans les acnon lucratif, investissements), que ces biens
tions de restauration des
ou services soient produits sur le territoire
continuités écologiques, qui se
national ou importés.
En tenant compte du contenu en gaz à effet
sont multipliées ces dernières
de serre des importations, l'empreinte
années...
carbone permet d'apprécier les pressions sur
Vincent Marcus souligne cele climat de la demande intérieure française.
pendant que si le découplage
Et ce, quelle que soit l'origine géographique
des produits consommés.
est un bon indicateur, il n'est
pas suffisant. « Il faut aussi
considérer les niveaux d'im-

DÉCEMBRE 2019 -

https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/chiffres-cles-du-climat-france-europe-et-monde-edition-2019

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