Arts&MétiersMag - N°410 - Juin/Juillet 2019 - 61

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notion renvoie aux nouveaux modes de pensée que les
salariés doivent intégrer alors qu'ils sont contre-intuitifs. D'où un nécessaire temps d'adaptation.

EDF dédiée aux services énergétiques, responsable de
la mise en œuvre du plan Cap Dalkia 2022, qui incluait
notamment le développement d'une application de
suivi à distance des consommations des clients. «L'utilisation d'une application peut paraître simple au premier abord, mais elle requiert néanmoins de former les
techniciens, pour qui ce genre d'outil n'est pas forcément
intuitif ! Et cette appréhension des outils numériques
n'est pas forcément une question de génération.» Et
même quand ils sont accueillis avec bonne volonté par
les salariés, les changements récurrents de méthodes
de travail génèrent une certaine usure.
Quand le changement est contre-intuitif
Pour Sylvie Jéhanno, il incombe aux équipes d'encadre\T]cS{X]bdUTa[{Ï]TaVXT]ÏRTbbPXaT_^da_P[[XTaRTccT
usure. Mais également de parvenir à une «concordance
des temps» entre les différents départements d'une
même entreprise, qui par essence ne travaillent pas dans
la même temporalité, de la cellule R&D à une autre
unité travaillant en mode projet. Plus largement, le
manageur doit diffuser la vision de la direction à l'ensemble des salariés.
Pour Philippe Silberzahn, ces changements d'organisation sont de l'ordre du «choc mental» pour les salariés.
Non pas qu'il faille ouvrir des cellules psychologiques
à chaque nouveau plan de stratégie managériale ! Cette

La PDG de Dalkia (X-Mines 91)
est entrée chez EDF comme
manageure d'une équipe
d'exploitation de réseaux du
gaz avant de s'orienter vers des
fonctions commerciales et
marketing. Elle a notamment
engagé la transformation
numérique de la relation avec
les clients particuliers et piloté
le projet d'innovation
positionnant le groupe EDF sur
le marché de la maison
connectée à travers la création
de Sowee, ﬁliale en mode
start-up.

Les salariés ne sont pas des poules
à qui on donne des grains
pour leur montrer la voie

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ent

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SYLVIE JÉHANNO

PHILIPPE SILBERZAHN
Ce polytechnicien, professeur
associé en management à EM
Lyon Business School depuis
2010, est à la fois auteur de six
ouvrages sur l'innovation de
rupture et la transformation,
conférencier, chercheur en
innovation et entreprenariat.
Il enseigna comme professeur
invité au Centre européen
d'éducation permanente et à
HEC. Il fut aussi chercheur
associé à l'École polytechnique
entre 2009 et 2019.

Donner envie de la mer
au lieu de ne montrer qu'un cap
3T
[T]PXVdX[[T[P`dTbcX^]Sd[TPSTabWX_b{X]eXcTPd
cœur du débat. Le rôle d'un chef d'entreprise du
XXIe bXÎR[TTbcX[c^dY^dabST
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vision à communiquer à l'ensemble de ses salariés selon
un schéma pyramidal ? L'analyse de Philippe Silberzahn
laisse entendre que le modèle du capitaine d'industrie
n'est plus forcément raccord avec la réalité du marché.
2T[PTg_[X`dTaPXcS{PX[[Tdabd]T_PacST[PSÏ
P]RTSTb
jeunes salariés à l'encontre des grands groupes : «Les
jeunes ne veulent plus mettre les pieds dans une grande
entreprise ; à la place, ils préfèrent devenir boulangers !»
Pour lui, c'est aux manageurs qu'il revient de comprendre les jeunes et non l'inverse. Ces derniers attachent de plus en plus d'importance au sens de leur
métier et aspirent à une part d'autonomie. Aspiration
qu'un empilement de directives managériales peut
justement annihiler : «C'est plus dans le fait de susciter
l'envie que sur la question du sens que le management

doit progresser, précise Philippe Silberzahn. Les salariés ne sont pas des poules à qui on donne des grains
pour leur montrer la voie !»
Pour enfoncer le clou, il relativise la notion de vision
entrepreneuriale dans un contexte mouvant : «Les
projets les plus révolutionnaires n'avaient pas forcément
de vision à long terme au départ. Airbnb a commencé
par la location d'une chambre [dans l'appartement des
créateurs de la société, NDLR], avec trois matelas
V^]PQ[Tb?TdcÐcaT`dT[TaÚ[TSdRWTUS{T]caT_aXbT
n'est pas tant de transmettre une vision que de faire
émerger une vision lucide du monde dans lequel on vit.
D'être davantage dans le "ici et maintenant".» C'est
ainsi que les grands groupes redeviendraient attrayants.
Cultiver la culture d'entreprise peut constituer un autre
atout pour des entreprises au long passé. À condition
de ne pas vider le terme «culture» de sa substance. Un
adage veut que la «culture d'entreprise mange de la
stratégie au petit-déjeuner». Peut-être faudrait-il justement que les manageurs se posent en garants des
valeurs propres à l'entreprise.
Et Sylvie Jéhanno de citer Antoine de Saint-Exupéry :
«Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes
hommes et femmes pour leur donner des ordres [...],
fais naître dans [leur] cœur le désir de la mer.»
Idir Zebboudj

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