Arts&MétiersMag - N°412 - Octobre 2019 - 45

Débats&Opinions

> Le Billet
de Michel Harmant

Gloutonnes et suicidaires

Les réseaux et les flux

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Les gadzarts publient

ESSAI - Dès 2003, ancien conseiller auprès de

DESSIN P. CHOMAT

groupes internationaux du secteur de l'énergie,
l'ingénieur Pierre Auguste Chomat (Cl. 52)
publie «L'empire des énergivores menace la
planète» - traduit un an plus tard en anglais
sous le titre «Oil Addiction - The World in
Peril». Il a 71 ans et y dénonce l'«âge des excès»
qu'ont atteint les gloutonnes sociétés occidentales, dépendantes du pétrole, lancées dans
une course suicidaire aux énergies fossiles
- forcément perdue d'avance -, insouciantes des dégâts faits à notre
écosystème. L'auteur, ex-ingénieur de la pétrochimie, ne cache pas
avoir lui-même directement participé au développement de structures
industrielles dans de nombreux pays. Seuls les imbéciles sont incapables
de se remettre en question. Installé en Californie depuis 1998, le gadzarts cofonde une association pour le développement durable du
comté de Monterey et, cinq ans après son premier ouvrage, enfonce le
clou avec «The Delusion of Progress - a Fallacy of Western Society».
Pierre Chomat est mort en 2017 mais sa famille et certains de ses camarades sont repartis de l'original pour publier une version française
cette année. Son travail questionnait les fondations mêmes de nos
sociétés occidentales et cherchait à saisir le rôle de l'humanité et sa place
dans la nature et l'univers.
Claudine Moitié
«L'Illusion du progrès - Réflexion sur la société moderne», par Pierre
A. Chomat (Cl. 52), autoédition, août 2008, rééd. juin 2019, 152 p. ; contact : Évelyne
Dolbet, 03 44 73 12 09, accueil.liancourt@fondam.fr

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de vos réflexions, suggestions ou critiques.
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électronique amm@arts-et-metiers.asso.fr

Un billet d'humeur reste
un billet d'humeur !

e billet de Michel Harmant (Ch. 61), qui était titré «Vraie et
Fausse Écologie», paru dans votre AMMag de septembre,
p. 67, a suscité de vives réactions dans la Communauté. Les uns
encourageant Michel Harmant pour son audace, qui défie la
pensée écologique unique, les autres s'insurgeant tout en brandissant la menace du désabonnement !
Oui, le billet de Michel Harmant n'engage que son auteur. Mais
un billet d'humeur a souvent des angles saillants et polémiques,
c'est le propre de l'exercice. Et de grâce, votre AMMag ne donnera personne en pâture ! Nous respectons la loi du 29 juillet 1881
sur la liberté de la presse. La rubrique «Débats & Opinions» et le
billet de Michel Harmant m'amènent à penser que de nombreuses
plumes pourraient venir, elles aussi, enrichir les grands sujets du
moment et défis du futur qui ne manquent pas et dont doivent
s'emparer les ingénieurs. Cette richesse vous appartient collectivement. Alors, à vos claviers !
Éric Roubert

Ce ne sont plus, au XXIe siècle, les empires ou les blocs politiques qui
monopolisent la puissance. Les réseaux, empires immatériels, ont
pris le relais. Leur puissance est conditionnée par la nature et le
volume des flux qu'ils contrôlent. Thierry Breton(1) estime qu'en
2020 l'activité humaine créera, en un an, 40 000 milliards de
milliards de données. Le nombre d'objets connectés était de
12 milliards en 2016, il se situera entre 50 et 80 milliards en 2020.
Les manifestations de cette puissance sont mesurées en termes
d'économie et d'influence, un ensemble de paramètres mêlant
grandeurs matérielles et pouvoir sur l'opinion. Ces nouveaux
empires ont leurs princes, peu connus du public, mobiles, discrets,
parfois secrets. Les procédés créant et développant leur richesse sont
très éloignés des procédés d'exploitation de la terre, des mers et des
airs. Ils s'écartent des méthodes de production industrielle.
Les données mondialement partagées sont accessibles en
abondance ; elles n'en sont pas moins vulnérables et manipulables.
Le cerveau producteur de techniques a fait passer l'humanité dans
l'ère industrielle. Ce
processus n'est pas achevé.
Des régions entières du
«Le cerveau producteur
monde sont encore en
d'idées fausses est
quête d'industrialisation.
beaucoup plus dangereux Mais déjà, dans le nouveau
pour l'avenir de l'espèce
contexte du
humaine que le cerveau
développement de
créateur de techniques»
la puissance, il apparaît
que le cerveau producteur
d'idées fausses est
beaucoup plus dangereux pour l'avenir de l'espèce que le cerveau
créateur de techniques. Les idées fausses, tout comme la mauvaise
foi, sont corrosives. Elles minent la confiance et détruisent la
cohésion des Hommes.
Au même titre, la cybermenace est présente. La capacité de mettre en
jeu de gigantesques puissances immatérielles stimule certains
instincts guerriers. Les années 2010 ont vu le terrorisme se
transformer en cyberterrorisme. En France seulement, les
cyberattaques se comptent par dizaines de milliers au cours d'une
année. Les réseaux sont parasités, infestés de «virus». La pénétration
de forces d'agression dans la citadelle convoitée se fait au moyen
d'armes sophistiquées. Les cibles sont individuelles et collectives. La
connexion permanente 24 h/24 facilite la dépendance des usagers
fragiles. Repérés par les organismes et individus malveillants, ce sont
des proies faciles pour les acteurs de l'endoctrinement. L'eau potable,
les transports, les hôpitaux, les banques, les usines doivent faire
l'objet d'une surveillance accrue, notamment immatérielle. La
cybersécurité est un enjeu de société. Le risque est d'autant plus élevé
que la cyberdélinquance ne requiert que peu de moyens. Les usagers
malveillants savent s'affranchir des filtres. Les rançongiciels
(«ransomware») sont des outils de chantage commodes et discrets.
Le besoin de se doter de moyens de protection à la hauteur de la
menace est devenu une priorité. C'est un nouveau défi pour les
ingénieurs du XXIe siècle. De grands espoirs reposent sur
l'avènement de l'informatique quantique. Mais les malfrats seront
peut-être les premiers à l'exploiter.
Ancien ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie (2005-2007, sous
Chirac), président-directeur général d'Atos depuis février 2009.

(1)

Octobre
Mois 2016
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