Arts&MétiersMag - N°413 - Novembre 2019 - 14

Sur le vif
Une matinée studieuse au
campus d'Aix-en-Provence

PHOTO J. BARANDE / ÉCOLE POLYTECHNIQUE

Gérard Mourou
lors de la fête
de la Science à
Polytechnique.

physiques. Prenons l'image du moteur à explosion : un tracteur
comme une Formule 1 en sont pourvus, mais leur moteur comporte
des différences, comme la puissance, la nature des matériaux, la circulation des fluides, etc. Pour la transmutation des déchets, nous allons
donc modifier le laser. Il nous faudra, par exemple, une énergie
-beaucoup plus puissante que celle utilisée en ophtalmologie. En effet,
des lasers ultra-intenses et grand flux, pouvant irradier des quantités
plus importantes de matière, pourraient être utilisés pour bombarder
les noyaux atomiques d'isotopes radioactifs en modifiant leurs
-propriétés, par exemple en ajoutant ou en retirant un neutron du noyau.
Ainsi, certains atomes pourraient perdre leur radioactivité en trente
minutes, au lieu d'une durée de l'ordre du million d'années. Dans un
premier temps, nous pourrions descendre cette durée à une centaine
d'années. Mais je ne veux pas donner de faux espoirs, car il faudra
plusieurs années pour valider le concept.
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«Si des lasers bombardaient les noyaux
d'isotopes radioactifs pour modifier
leurs propriétés, certains atomes perdraient
leur radioactivité en trente minutes
au lieu d'un million d'années»

Le soleil était au rendez-vous ce
27 septembre au-dessus du
campus d'Arts et Métiers
d'Aix-en-Provence. Quoi de
mieux quand le sujet de la
conférence-débat, organisée
dans le cadre de la journée
Arts & Science, porte justement
sur la lumière ?
L'événement était soutenu par
les alumni et par la fédération
internationale Cobaty.
Face à la très forte affluence
- plus de 300 élèves de l'École
et des classes préparatoires des
établissements Vauvenargues et
Cézanne étaient présents -, il a
fallu s'adapter. Trois
amphithéâtres furent
réquisitionnés, tous reliés par
vidéoconférence.
Philippe Collot, directeur du
campus, et Jean-Marie Vigroux
(Bo. 74), président de la Société
des ingénieurs Arts et Métiers,
ont ouvert la conférence, le
premier insistant sur
l'excellence de l'établissement,
le second rappelant l'importance
du soutien de l'Association à
l'École et aux élèves durant leur
scolarité. Michèle Leduc,
directrice de recherche émérite
au CNRS (École normale
supérieure), a raconté une

passionnante histoire de la
lumière, une quête sans fin de
sa «vraie» nature, depuis
Pythagore jusqu'à aujourd'hui,
pour arriver à la conclusion
«qu'on ne sait pas ce qu'est la
lumière, hors description
mathématique».
Edmond Amouyal, également
directeur de recherche émérite
au CNRS (École normale
supérieure), a braqué, lui,
la lumière sur deux génies
aux destins entremêlés, Ampère
et Fresnel, expliquant comment
les découvertes de l'un
profitèrent aux recherches de
l'autre et vice versa.
Gérard Mourou, professeur au
Haut-Collège de l'École
polytechnique et prix Nobel de
physique 2018, a enfin pris la
parole à propos de sa passion de
la lumière extrême. Il n'oublia
pas de remercier sa colauréate
du prix Nobel, Donna Strickland,
la troisième femme à recevoir un
prix Nobel de physique (lire
l'interview ci-contre).
Les étudiants ont nourri la
discussion par leurs questions,
toujours pertinentes.
Devant l'intérêt des exposés et
des débats, le temps défila... à la
vitesse de la lumière.
D. K.

AMMag - Que vous a apporté le prix Nobel ? Plus de moyens ou
plus de voyages ?
Gérard Mourou - Les deux ! C'est un très grand plaisir de partager, à
travers le monde, sa passion pour la physique et le laser. Sans le Nobel,
je n'aurais sans doute pas connu cela.
Propos recueillis par Djamel Khamès, à Aix-en-Provence

14 - Arts&MétiersMag - Novembre 2019

PHOTO D. KHAMÈS / AMM

AMMag - Où en sont vos recherches de «clean science»,
menées avec le Pr Toshiki Tajima, sur les déchets radioactifs ?
G. M. - Vous voulez dire la «toilet science» [rires] ! Pour que tous les
déchets radioactifs disparaissent, nous cherchons aujourd'hui à valider
notre concept de transmutation à l'aide d'un fluide de plasma dans
différents laboratoires en France, Hongrie, République tchèque,
Roumanie et aux États-Unis. Une fois le concept démontré, nous
devrons alors disposer d'un laser capable de produire ce gigantesque
fluide de plasma. C'est à partir de ce moment que l'ingénieur interviendra, en collaboration avec les scientifiques, pour traiter de nombreuses
questions techniques. Mais pour y parvenir, il faudra que les ingénieurs
soient ouverts et audacieux.

À Aix-en-Provence, de g. à dr., Edmond Amouyal, directeur de recherche
émérite au CNRS (ENS), Gérard Mourou, professeur au Haut-Collège de
Polytechnique et prix Nobel de physique 2018, Michèle Leduc, directrice de
recherche émérite au CNRS (ENS), et Philippe Collot, directeur du campus.

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