Arts&MétiersMag - N°413 - Novembre 2019 - 49

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rts et Métiers est légitime
olo gique»
décrypter, avec le philosophe français Michel Puech, les questions
relatives à «l'éthique de la technologie ordinaire». La technologie ne
relevant plus du domaine économique et professionnel, mais faisant
désormais partie intégrante de notre vie quotidienne.
AMMag - Comment la technologie est-elle perçue aujourd'hui ?
M. L. - Nous avons cherché à objectiver la perception des technologies,
à la fois porteuses d'espoir et d'inquiétudes. Malgré les craintes exprimées, nous avons plutôt retenu les valeurs positives portées par le thème
de la technologie. En effet, les sondages récents disent que 79 % des
Français «s'intéressent à la technologie» et que les deux tiers d'entre
eux estiment que «le développement technologique est synonyme de
progrès pour l'humanité» et «apportera une meilleure qualité de vie
aux générations futures».

Un think tank de plus ?
«Le "think tank" Arts et Métiers
est original car il a été créé
conjointement par l'École et par
la Soce. Cette dualité entre le
monde académique et celui de
l'entreprise nous semble
singulière et porteuse.
Pour ce qui concerne notre
groupe de réflexion, nous avons
pris le soin de travailler de
manière équilibrée, en faisant
collaborer des enseignantschercheurs, issus notamment de

l'École, et des ingénieurs
manageurs en poste dans
différents secteurs industriels,
qu'ils soient gadzarts ou non. Le
résultat n'est ni une publication
à valeur académique ou
scientifique, ni une stratégie ou
un plan d'action d'entreprise,
mais, nous l'espérons, un bon
mélange de rigueur et de
concret. C'est la démarche qui
est suivie par les autres groupes
du "think tank".» S. L. et M. L.

AMMag - Ne faut-il pas plutôt parler de technologies au pluriel ?
S. L. - Des puristes pourraient considérer que la «technologie», ensommes aperçus que la communauté Arts et Métiers conservait incontendue comme «science des techniques», s'accommode mal du pluriel.
testablement une excellente légitimité sur ce champ élargi.
Après une brève revue sémantique, nous nous sommes rangés à l'idée
En matière de recherche, Arts et Métiers est présent sur 24 des 47 technologies clés qui constituent notre référentiel. Avec deux technologies
que la «technology» au sens anglo-saxon avait un sens différent et que
dans le cœur de métier de l'École : la fabrication additive et les matériaux
l'emploi du pluriel s'était répandu. Les technologies sont aujourd'hui
synonymes de vecteurs d'innovation et de transformation sociale. C'est
avancés et actifs. En matière d'enseignement, 19 des 47 technologies
d'ailleurs dans ce sens que la France a créé en 2000 l'Académie des
clés font l'objet de cours. Cette diversité est sans doute unique à l'échelle
technologies - plus de trois siècles après l'Académie des sciences !
des établissements français. Et pour ce qui est de la place des ingéC'est également le sens que donnent les grandes universités
nieurs Arts et Métiers dans les entreprises, nous avons estimé
mondiales, au premier rang desquelles on trouve le vénérable
qu'ils étaient significativement présents sur 80 % des techMassachusetts Institute of Technology, fondé en 1861. Il
nologies, c'est‑à-dire 38 sur 47. C'est très encourageant.
«L'ingénieur est
est à noter que le MIT édite la célèbre «Technology Reappelé à maîtriser
AMMag - Quelles conséquences pour l'École
view», qu'il entretient toujours la culture «learning by
doing» et qu'il communique sur ses fab lab tout autant
et la communauté Arts et Métiers en général ?
des technologies
que sur le numérique. Le champ s'est ainsi élargi : il
M. L. - Nous sommes entrés dans un monde durablediverses et fortement
suffit de lire la liste des 47 technologies clés 2020 retenues
ment plus technologique. La technologie n'est plus réévolutives. C'est un
par la France, et par le reste de l'Europe, pour orienter la
servée au seul secteur industriel, elle sort de la sphère
défi pour l'École»
compétitivité des entreprises.
strictement professionnelle, elle suscite des questions
éthiques nouvelles. Le rôle de l'ingénieur se «transversalise»,
AMMag - Quelle place pour les Arts et Métiers ?
il est appelé à maîtriser des technologies diverses et fortement
S. L. - Arts et Métiers est historiquement la première école techévolutives. Ce changement représente un défi pour l'École. Cela
nologique en France. Et la communauté Arts et Métiers a longtemps
modifie également la représentation que nous avons de notre propre
joué un rôle prépondérant dans l'enseignement technologique en
communauté : nous nous voyons encore souvent comme des ingénieurs
France. Nous nous sommes demandé ce qu'il pouvait en être augénéralistes de l'industrie. Ne faut-il pas nous réinventer et nous
jourd'hui et pour les prochaines années compte tenu du changement
considérer désormais plutôt comme une communauté de compétences ?
d'acception du mot «technologie» et du champ élargi des technologies.
Qu'on soit «bachelor», ingénieur ou docteur Arts et Métiers, nous avons
Tout en déplorant le fait que la mention «technologique» avait, bon gré
en effet en commun le fait de disposer de bases scientifiques solides,
mal gré, pris une connotation minorative dans l'enseignement français,
de maîtriser une large palette de technologies et de partager le sens du
nous nous sommes posé la question de la place des Arts et Métiers sur
concret ainsi qu'un socle de valeurs humanistes.
le champ des technologies d'aujourd'hui et de demain. Et nous nous
Propos recueillis par Éric Roubert
Novembre 2019 - Arts&MétiersMag - 49

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