Arts&MétiersMag - N°413 - Novembre 2019 - 51

PHOTOS M. GABORIT / AMM

Patrick Pouyanné était l'invité du
groupe professionnel énergie et
pétrochimie d'Arts et Métiers
alumni à l'hôtel d'Iéna, à Paris, le
17 juin. Plus de 200 personnes
étaient au rendez-vous.

lectricité quand les nôtres emploient le gaz. C'est un beau défi pour nos
ingénieurs que d'arriver à électrifier nos procédés.
«Alors, comment produira-t-on cette énergie en 2040 ? Aujourd'hui,
les énergies fossiles représentent 80 % du bouquet énergétique mondial :
ce sont le pétrole (32 %), le gaz (22 %) et le charbon (27 %), ce dernier étant

«L'Europe se veut à l'avant-garde de la lutte
climatique mais cela restera malaisé
sans une politique unique du climat, c'est-à-dire
sans un marché unique de l'énergie»

à l'avant-garde de la lutte climatique mais cela restera difficile sans une
politique unique du climat, c'est-à-dire sans un marché unique de l'énergie. Par exemple, si nous étions capables aujourd'hui de remplacer toutes
les centrales qui fonctionnent au charbon par des centrales à gaz, nous
serions immédiatement sur la trajectoire à 2 °C. Mais le gaz coûte plus
cher, d'où sa part à 22 %. Le gaz est plus cher, car il faut le liquéfier pour le
transporter, notamment par bateau, puis le regazéifier. Si le monde était
raisonnable, le combat à mener en priorité serait celui du remplacement
du charbon par le gaz naturel.»
Le gaz, complément idéal des énergies intermittentes
«En 2040, il y aura toujours des hydrocarbures. Plusieurs scénarios ont
été établis. Globalement, il y aurait moins de pétrole (23 %), la consommation de gaz croîtrait fortement et celle du charbon diminuerait à >>>

la source principale de fabrication de l'électricité. L'année dernière,
les investissements dans la filière charbon ont - ce qui me désespère en
tant que citoyen du monde - globalement augmenté. Deux raisons à
(1)
Voir la retransmission de cette audition du 17 septembre 2019 sur le site
cela : c'est l'énergie la moins chère, même si nous savons que le charbon
http://videos.assemblee-nationale.fr
émet deux fois plus de CO2 que le gaz naturel. Par
ailleurs, les grands pays consommateurs d'énergie
tels qu'États-Unis, Chine ou Inde possèdent en
mondiale (ce qui est peu probable), soit on
«Si on veut respecter les accords de Paris
quantité cette matière première - et quasi exclusi(élévation inférieure à 2 °C par rapport à l'âge freine la croissance économique. N'oublions
vement celle-là pour l'Inde. Les exportations de
préindustriel), il faudrait que les 9 milliards de pas que l'un des articles des accords de Paris
charbon des États-Unis vers l'Inde ont même augstipule qu'on abaisse l'élévation de la
personnes
que nous serons en 2040 ne
menté en 2018 !
température tout en maintenant l'objectif
consomment pas plus que les 7 milliards
«La question de la sécurité d'approvisionnement est
d'aujourd'hui. Et, comme 1 milliard n'a pas
de prospérité économique et de la baisse
à prendre également en compte, même en Europe
accès l'énergie, dans les faits, il faudrait que
de la pauvreté. C'est tout l'enjeu du débat
où chaque pays tient à sa politique nationale. La
les 9 milliards ne consomment pas plus que
entre pays émergents (du Sud) et pays
France en est un vivant exemple avec le nucléaire,
6 milliards.
développés (du Nord). Les pays du Sud
qui est un atout aujourd'hui. On serait plus efficace
«Ce défi paraît impossible à atteindre car soit
souhaitent légitimement sortir leurs
si on réfléchissait ensemble et si on arrêtait de faire
on arrête de faire croître la population
populations de la pauvreté.»
du solaire dans le nord de l'Europe. L'Europe se veut

L'épineuse équation des accords de Paris

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