Arts&MétiersMag - N°413 - Novembre 2019 - 70

La Thuysse
Hommage

Louis Magne, une vie romanesque
Louis Magne (An. 30) s'est éteint
dans la matinée du 29 octobre à son
domicile de Houston, aux ÉtatsUnis, quelques semaines avant ses
107 ans. Généreux donateur, il incarnait les valeurs fraternelles des
gadzarts. Récit d'un homme qui a
traversé le siècle.

PHOTO É. ROUBERT / AMM

a vie de Louis Magne est
digne d'un roman. Né
en 1912 dans un petit village près de Bergerac, en
Dordogne, Louis, dont la mère travaille comme femme de ménage,
grandit aux côtés d'un père taciturne, blessé pendant la Grande
Guerre. Les revenus du foyer étant
modestes, l'instruction est la valeur
cardinale chez les Magne. La mère
encourage son fils et le pousse après
le certificat d'études. Résultat : il intègre à 17 ans et demi l'École d'Arts
et Métiers à Angers.
D'Allemagne à la Roumanie
Après l'obtention de son diplôme en
1933, la Soce le récompense pour
ses bons résultats en allemand et
l'envoie, une bourse d'étude en
poche, à Hanovre. À 21 ans, il y croisera le tout nouveau chancelier
Adolf Hitler avec 500 000 autres
personnes lors d'un autodafé impo-

En décembre 2014, Louis Magne
recevait ses jeunes boursiers venus à
Houston, au Texas, fêter ses 102 ans.

sé par les dignitaires nazis. À peine
rentré en France, le drapeau l'appelle : Louis devient officier navigateur dans l'armée de l'air. Après son
service militaire, il est contraint,
crise oblige et faute de ressources,
de rejoindre Bergerac, où il vit chez
ses parents. Sur place, il décroche
un travail de dessinateur industriel,
extrêmement mal payé. Il ronge
son frein. Il fait alors appel à la Soce
qui lui propose un poste à la société
Batignolles dont une partie de l'ac-

tivité est de construire la ligne
Ma-ginot (1). Louis est affecté à la vérification des pompes.
Ce travail fastidieux et sans intérêt
va l'amener à chercher un nouveau
poste plus exaltant. À force d'acharnement, il rejoint Schlumberger qui
le forme au métier de «field engineer», ingénieur de chantier. Il est
affecté en Roumanie qu'il rejoindra
en Orient Express. C'est son premier grand voyage. Sur place, il participe à l'entretien d'une centrale

électrique et découvre les rigueurs
hivernales des pays de l'Est. Six mois
s'écoulent. Validé par ses supérieurs,
Louis reçoit de la direction du personnel un câble laconique : vous partez pour le Venezuela.
Après un retour rapide à Bergerac
pour embrasser ses parents, l'aventure commence. Il embarque sur le
«Normandie», où il fera la connaissance de sa future femme, Angela
Ambard, originaire d'une famille
bourgeoise de l'île de Trinidad. Puis,

PHOTO É. ROUBERT / AMM

Le chevalier de Liancourt

Le jour de ses 102 ans, Louis Magne était
fêté chez lui, à Houston. Une tradition
établie par Jacques Paccard (Ch. 64).

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«Le souvenir le plus vif que je garde
de Louis Magne date de mes débuts
à la Fondation où quelques grands
Anciens m'ont rappelé combien il
était proche de nous et généreux.
Chacun de ses déplacements à Iéna
se traduisait en précieux souvenirs
- et il regrettait, parce que cela
distendait nos liens, de ne plus
pouvoir venir nous visiter ces
dernières années.
«Personne ne connaissait la date
exacte de sa naissance. L'ayant
retrouvée en 2011, je lui ai souhaité
son 99e anniversaire en décembre et
lui ai proposé de lui rendre visite à

Houston pour faire un point
de l'évolution de la Fondation, de
l'École et de la Soce. Ce geste l'a
ému et il a spontanément fait don de
titres Schlumberger à la Fondation
en spécifiant bien l'usage qu'il fallait
en faire : des bourses d'étude vers de
grandes universités américaines.
Sans dénigrer les universités
canadiennes, il tenait à ce que la
plupart des jeunes profitent de
l'excellence des études américaines
et de l'immersion dans la langue
anglaise. En 2012, la majorité des
bourses fut attribuée pour des
études au MIT, Berkeley, Columbia,

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