Arts&MétiersMag - N°414 - Décembre 2019/Janvier 2020 - 75

qualités linguistiques et organisationnelles de Lasègue, les compétences
qu'il acquiert en lisant les milliers d'ouvrages dont il a la charge le portent
au poste prestigieux de conservateur des herbiers et de la bibliothèque.
Les collections de plantes du monde entier sont enviées par les plus
grands scientifiques, dont Jussieu ou Pyrame de Candolle :
250 000 échantilπlons de plantes sèches, 90 % des 95 000 espèces
connues à l'époque, 6 000 ouvrages dans la bibliothèque sans cesse
actualisée. Antoine Lasègue édite un ouvrage magistral en 1845,
encore aujourd'hui référence des chercheurs, «Musée botanique de M. Benjamin Delessert - Notices sur les collections de plantes et la bibliothèque qui le composent».
Malheureusement en 1869, les héritières des deux
frères Delessert scindent le musée, léguant d'une
part l'herbier à la ville de Genève et d'autre part la
bibliothèque à l'Académie des sciences de Paris.
À 77 ans, désemparé, Lasègue constate le démantèlement de la grande œuvre de sa vie. Ses pairs lui
confient la présidence de la Société botanique de
France dont il était membre depuis sa fondation en
1854. Pyrame de Candolle nomme «Laseguea» un
groupe de plantes élégantes, originaires du Brésil.
S'il fut un scientifique réputé, Antoine était aussi un bon

(Très) Jeunes Gadzarts
En 1803, à Compiègne, l'École
d'Arts et Métiers accueille de
jeunes enfants, la plupart
pauvres et illettrés. Les
dispositions générales
prévoient : «Les élèves audessous de 12 ans seront
répartis en trois classes. On
enseignera dans la première à
lire, à écrire et les premiers
éléments de la grammaire

française. Dans la deuxième, on
continuera ces premières études
et on y joindra les quatre règles
de l'arithmétique. Dans la
troisième, outre les objets
ci-dessus, on enseignera les
premiers éléments de géométrie
et les principes du dessin. Les
élèves passeront ensuite à
l'étude des arts et métiers dans
cinq ateliers.» 

© MISSOURI BOTANICAL GARDEN, ST. LOUIS, USA / MUELL. ARG. C. MARTIUS, A.G. EICHLER, I. URBAN, FLORA BRASILIENSIS

PHOTO O. THOMAS / INSTITUT DE FRANCE

La bibliothèque
Delessert. Le fonds
est aujourd'hui
conservé à l'Institut
de France.

Dans le groupe de
plantes brésiliennes
nommé «Laseguea» en
hommage à Lasègue par
Alphonse Pyrame de
Candolle, l'Erecta
'Guilleminiana' est de
nos jours nommée
Mandevilla Emarginata.

vivant. Au début du XIXe siècle, les goguettes (4) affluent : des ouvriers,
journaliers, artisans ou artistes, hommes, femmes comme enfants se
regroupent pour chanter, déclamer des poèmes, boire pour oublier
leur dure journée de travail. On s'y distrait bien.

Un bon vivant devenu châtillonnais

Antoine a le goût de la chansonnette. On trouve deux de ses textes dans
«Airs choisis pour le chansonnier des grâces», écrits en 1813 à la gloire
de la femme aimée. En 1839, il entre comme correspondant à la société du Caveau (4) et offre cinq titres. Dans son recueil «Chansons intimes»,
publié en 1858, il évoque les «temps heureux» : ce sont ceux qu'il passe
dans sa résidence secondaire à Châtillon (Hauts-de-Seine), manoir
acquis en 1851, où il reçoit volontiers sa famille et ses amis
dont l'éditeur Perrotin, le chansonnier Béranger ou le
jeune botaniste Joseph Decaisne. -Retraité, il s'y retire,
il œuvre au conseil municipal en qualité de... secrétaire
de séance et prononce, dans les écoles, des discours
fortement teintés de valeurs humaines. Il décède à
Châtillon le 6 août 1873, à 81 ans, et est enterré au
cimetière de la ville. Une rue Lasègue rappelle la
mémoire de la famille à Châtillon. 
Michel Mignot (Cl. 60)
(1)
 Lire aussi AMMag de juin-juillet 2014, p. 50.
 Lire aussi AMMag d'octobre 2016, p. 56.
(3)
 Avec le Duc, ce fondateur des soupes populaires créa la Caisse
d'épargne en 1818. Il se rendit célèbre sous le Premier Empire en
développant la méthode d'extraction du sucre de la betterave inventée par
Jean-Baptiste Quéruel et reçut le titre de baron d'Empire.
(4)
 L'histoire des goguettes (à ne pas confondre avec les guinguettes) commence à
Paris en 1729 avec la société du Caveau. Celle-ci disparaît après dix ans d'existence,
mais le nom est repris jusqu'en 1939 par une succession de goguettes. À Paris, le
Caveau de la République en atteste, même s'il est devenu un cabaret.
(2)

CONFÉRENCE À LIANCOURT
Le samedi 4 avril 2020, à 15 heures, Françoise Decoursier-Sandoz,
membre de la Société botanique de France donnera avec Michel Mignot
(Cl. 60) une conférence sur «Antoine Lasègue (Co. 1802), éminent
botaniste du XIXe siècle».
Ferme de la Montagne, 2, avenue de la Faïence, à Liancourt ;
03 44 73 12 09 ; https://fondationartsetmetiers.org

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