Arts&MétiersMag - N°415 - Février 2020 - 13

Sur le vif
Pierrick Vaudour, associé chez EY (Ernst & Young), «Advanced Manufacturing & Mobility»
ÉTUDE

«La France, n° 1 européen
de l'attrait industriel»

AMMag - Quels sont les principaux enseignements
de votre baromètre ?
Pierrick Vaudour - En 2018, les IDE [investissements
directs à l'étranger (1), NDLR] en matière d'implantations
et d'extensions d'activité industrielle des entreprises
étrangères ont crû, dans l'Hexagone, de 5 % par rapport à
2017. Ce taux marque un retour à la normale après
l'explosion de 2016-2017, à + 52 %. En comparaison, la
baisse moyenne sur le Vieux Continent atteint 6 %. Une
tendance qui pourrait perdurer sur la période 2018-2019.
La France a donc maintenu sa place de leader malgré un
environnement dégradé, marqué par les incertitudes liées
au Brexit, les tensions commerciales internationales et une
compétitivité des coûts défavorable. Elle a même creusé
l'écart avec ses concurrents allemand et britannique dans la
course aux IDE industriels. Entre 2014 et 2018, ils ont
augmenté de 47 % en France contre une hausse de 7 % en
Allemagne et une baisse de 15 % depuis 2017 au RoyaumeUni. Ce dernier a rétrogradé de la deuxième à la quatrième
place du palmarès européen [voir le graphique p. 14].
AMMag - Comment expliquez-vous
cette relative bonne nouvelle pour la France
au regard de sa désindustrialisation ?
P. V. - Les étrangers reconnaissent depuis longtemps que
la France a des savoir-faire technologiques, des infrastructures logistiques de premier plan et des compétences humaines de qualité, notamment celles de ses ingénieurs polyvalents. La deuxième explication est le tissu académique
et scientifique du pays qui accompagne les industriels. En
2018, la France a accueilli 144 projets dans les activités de
R&D, à + 85 %. Soit plus que le Royaume-Uni, à - 21 % avec
74 projets, et l'Allemagne, à - 21 % avec 64 projets, réunis.
La troisième explication est liée à la puissance de ses leaders
industriels. Ils produisent un effet gravitationnel, notamment dans les filières aéronautique, navale, pharmaceutique
et agroalimentaire, en entraînant leurs sous-traitants dans
leurs capacités exportatrices. Parmi leurs fournisseurs, on
 Les investissements directs à l'étranger sont appelés investissements
directs internationaux par l'OCDE.

(1)

PIERRICK VAUDOUR est
polytechnicien (2000) et
diplômé de l'Escuela técnica
superior de ingenieros de
telecomunicación (Madrid,
2002) et de l'Institut des
hautes études de défense
nationale (2019). Il a travaillé
comme ouvrier sur un bateau
de pêche en Sibérie (1999),
histoire de pratiquer une
langue dont il apprécie la
production littéraire. Après
s'être fait la main comme
analyste chez Telkel (start-up
californienne) et chez Alcatel
en Russie, il rejoint Ernst &
Young (EY) en 2003 où il a
occupé diverses fonctions :
développement des nouvelles
technologies d'analyse de
données, chaîne de blocs,
responsable du recrutement
des ingénieurs EY France,
etc., jusqu'au conseil
financier et l'audit de grandes
entreprises.

PHOTO F. DUNOUAU

La France a attiré 339 projets d'implantation ou d'extension d'activités industrielles émanant
d'entreprises à capitaux étrangers, conservant ainsi sa place d'Européenne la plus attrayante,
devant la Turquie et l'Allemagne. C'est l'un des constats du deuxième «Baromètre de
l'"attractivité" industrielle de la France», publié par le cabinet d'études EY. Pierrick Vaudour,
associé et coauteur du baromètre, nous en a dit plus.

compte des entreprises à capitaux étrangers. Elles viennent
produire en France, s'inscrivant naturellement dans les
chaînes d'approvisionnement de leurs donneurs d'ordres que
sont Airbus, Sanofi, Danone, etc. Pour mémoire, la variation
du solde commercial entre 2017 et 2018 s'est élevée, dans
l'aéronautique, à 3,4 milliards d'euros. Suivaient les secteurs
de l'énergie, à 1,5 Md€, des produits agricoles, 1,4 Md€, du
naval, à 1,3 Md€, et de la pharmacie, 1,2 Md€. À l'avenir,
l'énergie et les technologies «vertes» pèseront davantage.
La quatrième explication tient à l'amélioration de l'image
de la France depuis 2016, due en partie à la réduction des
charges sociales, à la réforme du droit du travail et à la baisse
de notre fiscalité, sans oublier la pérennisation du crédit
d'impôt recherche. Enfin, les initiatives de soutien à l'industrie participent à l'attrait de la France : mise en œuvre de
filières, création de la French Tech et de la French Fab, déploiement des 124 territoires d'industrie, etc.
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