Arts&MétiersMag - N°417 - Avril 2020 - 21

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qu'un sous-traitant se trouve dans une situation
d'entrée et, finalement, protège les sous-traifinancière difficile, voire en redressement juditants déjà en place.
ciaire. «Dans ce cas, détaille Alain Frehring,
En temps ordinaire, le Gifas envoie ses consulnous essayons d'anticiper, de soutenir le fourtants aider les fournisseurs à répondre aux
nisseur et, si cela reste insuffisant, nous chercontraintes, mais également à se regrouper.
chons à mettre en place un schéma de reprise
«Nous exigeons de nos sous-traitants une
qui fasse sens pour la filière. Safran est
parfaite maîtrise des délais de livraison
dans une logique de rationalisation
et une qualité irréprochable,
«La sousde son panel de sous-traitants et
explique Thierry Guillaume
traitance
privilégie des regroupements
(An. 203), chef de projet de la
française est la
qui soient capables de fournir
chaîne logistique chez Daher.
diverses entités du groupe.»
meilleure du monde, Nous devons dans le même
Bien que l'aéronautique ait
temps les aider à monter en
mais elle est très
observé de près les méthodes
compétences. Nos donneurs
éclatée»
des fabricants du secteur de
d'ordres font la même chose
Frédéric Guimbal (Ai. 85),
l'automobile, son approche a
vis-à-vis
de nous, nous partaprésident du groupe
Frégate.
été plus mesurée. Les grands
geons avec eux la planification,
donneurs d'ordres veulent conserles nouveaux modèles d'approviver le tissu industriel historique et ses
sionnement, les plans de progrès.»
pépites, mais aussi entretenir une relation
Frédéric Guimbal (groupe Frégate) abonde :
«La sous-traitance française est la meilleure du
privilégiée avec leurs sous-traitants. Ces
derniers profitent également des spécificités
monde, mais elle est très éclatée. Les donneurs
de l'aéronautique, ce qui rend difficile le passage
d'ordres incitent aux regroupements.»
d'un secteur à l'autre.
La flexibilité, véritable enjeu
«Avec les volumes réduits de l'aéronautique,
précise Frédéric Guimbal (groupe Frégate), on
«Aujourd'hui, reprend Thierry Guillaume
ne peut pas utiliser les mêmes techniques et la
(Daher), le vrai enjeu est celui de la flexibilité,
main-d'œuvre est plus importante.» La normaavec des cadences différentes sur des lignes de
lisation et la réglementation y sont également
production équivalentes et des changements
très strictes. Chaque année, le système est un
de configuration de chaîne. Derrière le faible
peu plus contraignant, ce qui élève la barrière
nombre de familles d'avions se cache un grand
nombre de versions différentes. Nos donneurs
d'ordres nous informent dix-huit à vingt-quatre
mois à l'avance sur les volumes, ce qui nous
permet de nous préparer industriellement,
mais le détail de la configuration n'est connu
que six mois au préalable.»
Enfin, innover est indispensable à tous les
niveaux de la chaîne. Safran s'est ainsi appuyé
sur le développement d'innovations en interne.
Depuis quelques années, le groupe s'est ouvert
et est à l'affût d'innovations extérieures qui
pourraient accélérer ses projets, tout en contrôlant en interne les développements qu'il juge
critiques pour son cœur de métier, avec la capacité de proposer des éléments complets, comme
le train d'atterrissage pour sa filiale Safran
Landing Systems.
«Notre stratégie n'est pas de nous battre
uniquement sur les prix, argumente Alain
Frehring (Safran Landing Systems), mais
d'être les meilleurs, d'apporter des éléments
différenciants. Cette excellence est obligatoire
pour se préserver face aux autres et pour attaquer de nouveaux marchés. Il y a derrière cela
un
gros travail d'amélioration de la maîtrise
L'usine de Saint-Aignan-Grandlieu (Loireindustrielle qui s'appuie notamment sur le
Atlantique) de Daher fournit pour ses donneurs
d'ordres des pièces en composite
développement de nouvelles technologies
thermoplastique. Le pilotage de cette usine
autour de l'usine 4.0.»
robotisée est assuré par le logiciel Aquiweb
d'Astrée Software.

Patrice Desmedt

Covid-19

Certains donneurs
d'ordres pointés
du doigt

Dans le contexte de la crise sanitaire, les
grands donneurs d'ordres doivent
préserver leurs fournisseurs pour éviter
des faillites qui leur seraient préjudiciables.
Tous ne l'ont pas compris. Le Syndicat
national des entreprises de sous-traitance
électronique (SNESE), par exemple,
s'insurge et a ouvert sur son site web un
«mur de la honte», présentant les lettres
reçues par certains sous-traitants. «Il faut
souhaiter que la médiation et la direction
générale de la Concurrence, de la
Consommation et de la Répression des
fraudes (DGCCRF) lancent une opération
Name & Shame [«nommer et couvrir de
honte» littéralement, une mise au pilori,
NDLR] spéciale Covid-19», indique Richard
Crétier, secrétaire du SNESE, qui précise
que les reports de livraison touchent tous
les secteurs industriels, y compris
l'aéronautique. «Quant aux reports ou
annulations de paiement, nous frôlons
l'ignominie !» Voici trois extraits de lettres
de donneurs d'ordres édifiantes :
* «Compte tenu de notre incapacité
temporaire à exercer, nous vous serions
reconnaissants de bien vouloir suspendre
toutes les livraisons à [nom anonymisé]
jusqu'à nouvel ordre et de reporter le
paiement de toutes vos factures en cours de
soixante jours à compter du 17 mars 2020.»
* «Par conséquent, la situation de paiement
ouvert au 15 mars 2020 envers votre
entreprise n'est pas encore validée.»
* «Afin de préserver nos capacités
financières, nous vous demandons de
prendre en compte un report de trente jours
pour le paiement de nos factures. [...] La
santé financière de [nom anonymisé] est
excellente et notre carnet de commandes
aussi, nous sommes certains qu'ensemble
nous allons passer sereinement cette crise
sanitaire et économique.»
Les nombreuses PME sous-traitantes se
trouvent elles-mêmes face à un manque de
trésorerie, malgré les reports, voire les
remboursements d'avance sur charges,
accordés par l'Urssaf. Quant aux demandes
de chômage partiel, certaines essuient des
refus de la part de l'administration. Dans un
communiqué du 25 mars, la confédération
des PME constatait : «Dans la pratique, de
plus en plus d'entreprises sont aujourd'hui
confrontées à des refus de chômage partiel
au motif que leur secteur n'est pas
concerné ou que leur entreprise est en
capacité - théorique - de poursuivre son
activité. Il y a donc là un décalage entre les
discours et la réalité.» P. D.

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