Arts&MétiersMag - N°419 - Juin/Juillet 2020 - 7

PHOTO ROMARIC MATHIEU / AMM

Le mot du président

Jean-Marie Vigroux (Bo. 74)

Coach, tuteur ou mentor ?

a solidité de l'union et l'efficacité dans l'action dépendent beaucoup de la posture que nous adoptons les uns envers les autres.
La spécificité des Arts et Métiers réside dans l'importance
accordée depuis 1780 à l'enseignement mutuel, nourri tout au
long de la vie d'expériences pratiques.
L'expérimentation se passe souvent de la théorie. C'est heureux en ce qui
concerne les sciences et les technologies. Nul besoin de savoir comment
fonctionne un moteur thermique pour conduire une voiture. Inutile de
connaître l'organisation des centrales et réseaux pour bénéficier de l'électricité. C'est également vrai pour les relations entre les personnes.
L'économie comportementale, qui s'intéresse à la façon dont nous prenons
nos décisions et dont nous interagissons, n'a vu ses apports récompensés
qu'au début du XXIe siècle. Signe que la connaissance des mécanismes
d'influence ou des biais cognitifs n'est pas indispensable dans la vie de tous
les jours. Et pourtant ! Il est essentiel que l'ingénieur sache aller au-delà
des usages pour comprendre ce qui les sous-tend et reconsidérer l'existant
- voire l'établi -pour entrer dans une démarche de progrès.

Trois postures possibles

Des trois postures qui se présentent à nous - coach, tuteur et mentor -
quelle est celle que nous pourrions privilégier au sein de notre association
pour cultiver notre ADN Arts et Métiers et valoriser ses atouts? Dans un
excellent article qui va bientôt avoir 10 ans(1), Mathilde Bourdat, alors
formatrice au Cegos, organisme de formation professionnelle et continue,
souligne des différences essentielles entre ces trois types de conduite et
leurs implications dans les relations interpersonnelles.
Ainsi, le tuteur a «pour fonction de faire acquérir (à l'apprenant) les savoirs
[...] convenus, selon une progression déterminée». Ramené dans le cadre
de notre association, le tutorat peut s'appliquer aux bénévoles lors des
passations qu'il nous faudra toujours plus professionnaliser ; mais pas,
globalement, dans une relation entre sociétaires, les cultures d'entreprise
et le déroulé de nos parcours étant bien trop divers et évolutifs. Il en va de
même du coaching, qui vise à développer un potentiel. Le coach est payé
pour aider le «coaché» à atteindre un résultat. C'est vrai dans le sport,
comme dans l'hygiène alimentaire ou dans la maîtrise de ses réactions
émotionnelles.
Comme le rappelle Mathilde Bourdat, «le coach dispose de références
théoriques. Il a fait un travail sur soi, et travaille ses pratiques et sa posture
en supervision». Chaque coach a ses spécificités, dont l'impact variera en

fonction des personnes ou des groupes accompagnés. Il suffit pour s'en
convaincre d'observer les résultats très variables des entraîneurs sportifs
lorsqu'ils passent d'un club à l'autre. La sagesse d'un coach consiste à
reconnaître que ses techniques ne sont pas efficaces sur tel individu ou sur
tel groupe. Cela suppose d'admettre ses limites sans tomber dans l'imposture cherchant à les masquer, ou dans la lâcheté consistant à faire reposer
sur le coaché l'échec du coaching(2).
Si tutorat et coaching s'inscrivent dans un temps donné, avec des objectifs
précis, il en va différemment du mentorat. Ce dernier «vise à instaurer une
relation de confiance qui s'épanouit dans le temps et perdure». Les échanges
sont réciproques et l'enrichissement mutuel. C'est avant tout son expérience
de vie que le mentor partage avec le mentoré, ce qui explique d'ailleurs que
le mentoring puisse être inversé lorsque les plus jeunes ont une meilleure
connaissance de certaines pratiques que les plus anciens. Pensez à l'utilisation des applications numériques, ou des nouveaux modes de communication par exemple. Le respect de l'autre est essentiel. Il va dans les deux
sens. Un témoignage ne peut s'imposer comme exemple ; le temps alloué
mérite considération. C'est de liberté et de parité que la relation se nourrit.
Si le mentorat n'est plus jugé utile par l'un ou par l'autre, la confiance
commande d'en convenir mutuellement et le respect de l'accepter. Le
monde est vaste et les opportunités d'échanges nombreuses...

La force des Gadzarts réside dans le mentorat

Au sein de la Soce, nous ne nous retrouvons pas pour entrer dans une
relation de tutorat ou de coaching. Nous n'y venons pas pour nous entendre
dire ce que nous devrions faire. En revanche, nous pratiquons le mentorat
entre nous depuis notre origine. Nous nous réunissons pour partager nos
vécus et pour pérenniser des relations de confiance «sans titre de noblesse».
Les échanges d'expériences entre Gadzarts sont gratuits et basés sur une
relation fraternelle empreinte de parité.
Le mentorat, c'est le propre de notre association. Il fait notre force. Le
temps est venu de lui associer la théorie qui permettra de mettre en avant
les bonnes pratiques, de reconnaître à la fois le comportement qu'il requiert,
l'écoute qu'il exige et la richesse qu'il crée grâce au partage.
Unir pour agir, fiers d'être Gadzarts !
https://www.formation-professionnelle.fr/2011/08/30/tuteur-mentor-coachquelquesdefinitions/
(2)
Lire «Développement (im)personnel» de Julia de Funès, aux Éditions de l'Observatoire,
ouvrage paru en septembre 2019 et les réactions qu'il a suscitées.
(1)

Juin-Juillet 2020 - Arts&MétiersMag - 7

https://www.linkedin.com/in/jean-marie-vigroux-a3268914b https://www.formation-professionnelle.fr/2011/08/30/tuteur-mentor-coach-quelques-definitions/

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