Arts&MétiersMag - N°424 - Février 2021 - 57

PHOTO V.VINCIENNE / AMM

Et ailleurs

Les quelque 5 000 Gadzarts d'alors
rendirent de nombreux hommages à
leur «bon duc» dans leur région. Par
exemple, ceux de la région de Châlons,
qui firent célébrer un office à la
cathédrale le 9 avril. Ou ceux des
manufactures du Haut-Rhin, qui se
réunirent à l'église de Mulhouse le
18 avril. Ils témoignèrent que «le seul
rayon de soleil qui pénétrait dans le
chœur vint réfléchir sur la couronne
d'immortelles disposées au-dessus des
armoiries du grand citoyen, ajoutant
ainsi à l'éclat de ce trophée de la vertu».
Cet événement tragique durant lequel
les élèves des Arts et Métiers voulurent,
pour témoigner de leur respect, porter
leur «père fondateur» lie de façon
définitive les Gadzarts à la famille
La Rochefoucauld-Liancourt. Gaëtan
fut d'une aide précieuse lors de la
fondation de la Société des anciens des
Arts et Métiers en 1846.

La tombe actuelle du Duc, au cimetière de
Liancourt. C'est là où les Gadzarts viennent rendre
hommage au fondateur de leur École.
fait élever deux années auparavant. Le
cercueil est porté tour à tour par les
ouvriers des manufactures et les
habitants. À leur demande, on
traverse de nouveau Liancourt,
tendu de noir. Le tombeau sera
recouvert d'une simple pierre,
conformément à la volonté du
Duc qui l'a fait disposer de
manière à ce que sa tête repose
là où il avait fait enterrer, des
années plus tôt, son chien fidèle.
Enfin, «au milieu des larmes et
des gémissements, la population
s'est séparée de tout ce qui restait
du meilleur et du plus vertueux des
hommes».

AUCUNE POURSUITE
Diligentée par le pouvoir et la
Chambre des députés, la procédure judiciaire stoppe de droit
celle initiée par la Chambre des
pairs. Elle conclut «qu'il n'y a pas
lieu à suivre», ce qui relance les
éditoriaux dans la presse. MM.
de Corbière, Franchet, Delavau,
de Mazug restent en place(4). Ils
seront tous destitués après la révolution des Trois Glorieuses de juillet 1830 par le nouveau roi LouisPhilippe, qui portait une grande estime
au Duc.
À
Liancourt,
les Gadzarts viennent encore
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nombreux se recueillir sur la tombe du fondateur
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de leur école, que l'on trouve aujourd'hui au cimetière de la ville.
Michel Mignot (Cl. 160)

LES RETOMBÉES DU SCANDALE
Un des journalistes conclut : «Plus
heureux que les habitants de Paris, les
habitants de Liancourt ont pu honorer les
restes de leur bienfaiteur sans les exposer à d'indignes profanations, sans que son cercueil leur fût
enlevé à la baïonnette. Ils l'ont arrosé de leurs larmes,
une police sacrilège ne l'a pas teint de leur sang -
M. Franchet et ses agents n'étaient pas là.» Un autre écrit :
«Le duc de La Rochefoucauld repose à l'ombre des arbres
qu'il a plantés, au milieu de familles qu'il a secourues, qu'il
a aimées et qui rediront ses bienfaits de génération en génération. Il repose au milieu des heureux qu'il a faits, loin du
tumulte des passions et sous la garde du souvenir.» La presse

d'opposition s'empare, elle, du «scandale» qui
s'est déroulé à Paris. La Chambre des pairs «libérale» exige une enquête. À la Chambre des
députés «ultra», les amis libéraux du Duc,
Casimir Perier et Benjamin Constant, protestent,
sans résultat, si ce n'est, indirectement, le retrait
de la loi contre la liberté de la presse que le Duc
était venu contrer un mois plus tôt(1). C'est sa
victoire posthume. «Ce soir-là, Paris illumina,
aux élections de novembre 1827, les " libéraux "
reviennent, mais déjà quelques barricades se
levaient à Saint-Denis. Le peuple français de
nouveau entrait en lice, ce peuple que Liancourt
avait toujours estimé et cru capable de progrès»,
écrit Jean-Dominique de la Rochefoucauld dans
la monographie de son aïeul publiée en 1980
au moment du bicentenaire de l'École des Arts
et Métiers.
Le roi Charles X charge son ministre, le duc de
Doudeauville, «de témoigner à la famille de son
chagrin des événements qui, par une suite de tristes
malentendus, ont eu lieu aux funérailles du duc
de La Rochefoucauld.» Le roi, qui n'aimait
guère notre Duc, se dit ému de l'incident.
Pour tenter d'atténuer le sacrilège, il
proposa au fils aîné, François XIII, le
plus royaliste des trois, de lui accorder
une promotion. L'entrevue tourne
court et le nouveau duc ne revint
jamais aux Tuileries.

François Armand
Frédéric de La
Rochefoucauld, peint
par Robert Lefèvre. À
la mort de son père, le
fils aîné hérite du titre
de duc, le 8e du nom.

Lire aussi AMMag d'octobre 2020, p. 68.
Lire aussi AMMag de novembre 2020, p. 66.
(3)
Lire aussi AMMag de déc. 2020-janv. 2021, p. 74.
(4)
Dans un rapport secret, Guy Delavau, préfet de police de Paris, et François
Franchet d'Esperey, directeur général de la Police nationale, déclarent : «Ce
Mazug était un maladroit, on lui reproche de ne pas savoir maintenir l'ordre dans
son quartier.»
(1)
(2)

Arts&MétiersMAG

N°424 / Février 2021

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