Arts&MétiersMag - N°425 - Mars 2021 - 54

CONFÉRENCES & DÉBATS RÉINDUSTRIALISATION

RELOCALISER OUI,
MAIS DE MANIÈRE CIBLÉE

Grâce à la pénurie de masques, de respirateurs, de produits réactifs pour les tests du Sars-Cov-2,
la France a enfin pris conscience de sa dépendance industrielle vis-à-vis de certains produits
stratégiques. Suivirent alors de nombreux débats sur les ravages de la délocalisation des usines et
la façon d'y remédier. Parmi les contributions les plus intéressantes, figurent celles du Conseil
économique, social et environnemental, de PwC et du Cercle des économistes. Extraits.

ublié par le Conseil économique, social et environnemental (Cese) en janvier, le rapport «Filières
stratégiques : déﬁnir et mettre en œuvre les priorités» a pour mission de déterminer les critères
permettant de qualiﬁer une ﬁlière de «stratégique»
et de piloter sa mise en œuvre. L'approche - identiﬁer les
nouveaux besoins auxquels ces ﬁlières doivent répondre
avant de les sélectionner - est sufﬁsamment inhabituelle
pour être soulignée.
Les auteurs de l'étude du Cese sont Marie-Claire Cailletaud,
ingénieure et présidente du groupe de la CGT au Cese, et
Frédéric Grivot, président-directeur général de société et
vice-président national de la Confédération des PME. Tous
deux chargés de l'industrie, ils ont identiﬁé quatre objectifs :
renforcer la souveraineté économique ; avoir des ﬁlières
répondant aux besoins économiques, sociaux, sanitaires et
aux impératifs environnementaux ; mettre les ﬁlières industrielles dans une cohérence d'ensemble pour mieux identiﬁer les technologies transversales (nœuds technologiques)
tout en assurant leur montée en gamme ; et retrouver l'esprit

LES AVIS DU CESE

Sous la direction de
Jean-Hervé Lorenzi

VA - T - O N V R A I M E N T

RÉINDUSTRIALISER

LA FRANCE ?

Filières stratégiques :
définir et mettre en œuvre les priorités
Marie-Claire Cailletaud et Fréderic Grivot
1

Va-t-on vraiment
réindustrialiser
la France ?,

sous la direction de
Jean-Hervé Lorenzi,
éd. des Cahiers du cercle des
économistes, février 2021.

Arts&MétiersMAG

N°425 / Mars 2021

CESE 02

JANVIER 2021

Filières stratégiques :
déﬁnir et mettre en
œuvre les priorités,
de Marie-Claire Cailletaud
et Frédéric Pivot,
éd. des Journaux oﬃciels,
janvier 2021.

Relocaliser
des entreprises
à partir de
58 catégories
de produits
couvrant
382 milliards
d'euros
d'importations
est assurément
une démarche
originale.

industriel en renforçant les capacités humaines (formation, qualiﬁcation et compétences). Les auteurs ont sélectionné quatorze
indicateurs permettant d'évaluer la contribution de chaque ﬁlière à ces quatre objectifs,
tout en jaugeant leur pertinence stratégique.
Parmi les quatorze indicateurs, on peut citer
l'évaluation des besoins sociaux, la reconquête
de l'indépendance économique, l'enjeu environnemental, l'impact sur l'emploi, la création d'un
ministère de l'Industrie, etc.

RELOCALISER LES ACHATS STRATÉGIQUES
Relocaliser des entreprises à partir de 58 catégories de
produits couvrant 382 milliards d'euros d'importations est
assurément une démarche originale. Habituellement, la
réindustrialisation est davantage examinée sous le prisme
de la demande qu'à travers celui de l'offre.
Signée du cabinet de conseil PwC et du Conseil national
des achats (CNA), l'étude a identiﬁé les catégories de produits les plus propices à une relocalisation en France de leur
production pour répondre à trois enjeux : la souveraineté
économique européenne, la sécurisation des approvisionnements et le développement économique avec impact sur
l'emploi. Ainsi, 58 catégories de produits ont été identiﬁées
comme les plus propices et prioritaires pour des relocalisations. Pour 20 d'entre elles, qui correspondent à des marchés
émergents ou en transformation, il s'agit davantage de se
doter de capacités de production nouvelles en France et en
Europe («localisation») que de relocaliser une production
mature et délocalisée par le passé. C'est le cas des anticorps
monoclonaux dans la santé, des emballages en monomatériaux recyclables dans l'agroalimentaire, des cellules de
batterie lithium-ion dans l'électronique... Pour les 38 autres
catégories prioritaires, il s'agit de rapatrier la production sur
des marchés matures. Le montant des importations concernées est d'environ 115 milliards d'euros. Si la production
de 20 % de ces 115 milliards d'euros de produits importés
devait être relocalisée en France, elle permettrait de créer
environ 75 000 emplois directs et 220 000 emplois indirects.
«Va-t-on vraiment réindustrialiser la France ?» C'est sous

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