Arts&MétiersMag - N°426 - Avril 2021 - 70

HOMMAGE

PHOTO ESSILOR HERITAGE

Bernard Maitenaz
(Pa. 143), inventeur
de verres pour
presbytes, dirigea
Essilor jusqu'en
1991. Et sa retraite ne
fut pas inactive !
Régulièrement sollicité
par Essilor et ses
équipes de R&D,
Bernard voyageait
encore il y a cinq ans
en Chine avec son
successeur.

Le pionnier

de l'optique
Bernard Maitenaz (Pa. 143) nous a quittés le 22 février, à 94 ans.
L'inventeur du verre Varilux, qui devint PDG d'Essilor, a consacré sa vie à
la recherche et l'entrepreneuriat. Portrait.

«Croire en soi, déposer des brevets,
avoir le sens de l'observation, former
une équipe, tout faire avec passion...
Soyez curieux de tout ! Vous ne savez pas
aujourd'hui ce qui vous sera utile demain.
Dans les années 40, je ne savais pas que
l'intérêt que je portais aux engrenages hypoïdes me conduirait quelques décennies
plus tard à améliorer le confort visuel de
centaines de millions de personnes ! Rendez
à la nation en créant des produits qui
peuvent améliorer la vie. Il faut laisser sa
trace autrement qu'en marchant dans le
ciment !» C'est ainsi qu'en 2010, Bernard
Maitenaz exhortait des élèves de 1re et 2e années d'Arts et Métiers, en filière création
d'entreprise, à envisager leur futur.
Toute la vie de Bernard Maitenaz paraît
condensée dans cette citation. Lui qui totalisera quarante-trois ans de carrière chez
Essilor a soulagé les presbytes du monde
entier et fait la fortune de son groupe. Retour
en arrière... Diplômé d'Arts et Métiers en
1946, il poursuit ses études à l'École supé-

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N°426 / Avril 2021

rieure d'optique. En 1947, comme son père
et son grand-père, Bernard Maitenaz rejoint
la Société des lunetiers (1) comme ingénieur
de recherche.

LE PREMIER VERRE PROGRESSIF
L'idée du verre progressif lui vient en essayant les verres bifocaux de son père.
Notre Gadzarts pense qu'il est plus rationnel d'utiliser un verre qui corrige la vision
de loin sur la partie supérieure, la vision
intermédiaire au centre et la vision de près
dans sa partie inférieure. En 1951, Bernard
Maitenaz dépose une enveloppe Soleau (2)
contenant quatre dessins et des données
mécaniques pour fabriquer le verre progressif à l'Institut national de la propriété

industrielle en France. En 1953, Essel en
dépose un premier brevet. Maitenaz et son
équipe commencent par produire des verres
progressifs par diverses techniques improvisées et les perfectionnent en développant
des machines pour lancer la production en
masse en 1958. Encore faut-il les tester...
Un an plus tard, sur 46 «cobayes», 5 qualifient leur expérience avec le verre Varilux
d'«excellente», 29 de «bonne», 2 de
«moyenne» et 10 de «mauvaise». En mai,
le produit est révélé au monde entier dans
les salons de l'hôtel Lutetia, à Paris.
Dans les années 60, la France, l'Allemagne,
le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada,
le Brésil et le Japon vendent du Varilux.
Pourtant, Essel et Silor ne gagnent guère en
visibilité dans la compétition mondiale.
Alors, en 1972, elles fusionnent pour former Essilor. L'entreprise lance le Varilux 2
en Europe et améliore considérablement
la qualité du verre. Bernard Maitenaz, devenu PDG, accompagne jusqu'en 1991 le
développement d'Essilor. Il contribuera à
la mener à son statut actuel de n° 1 mondial des verres progressifs.

Éric Roubert
La Société des lunetiers (SL) deviendra Essel en 1948, puis
Essilor en 1972.
(2)
D'Eugène Soleau. Preuve incontestable de la date d'une
invention, d'une idée ou d'une œuvre déposée à l'INPI.
(1)

Honneurs et reconnaissance
Bernard Maitenaz a multiplié les titres : il était membre du Conseil supérieur de la propriété
industrielle, du Haut Comité de la mécanique, administrateur du CNRS, membre fondateur de
l'Académie des technologies, administrateur de l'Association Marius-Lavet, Doctor of Ocular Science
de Boston, docteur honoris causa de l'université de Montréal, lauréat du prix Nessim-Habif...

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