Arts&MétiersMag - N°428 - Juin/Juillet 2021 - 28

EXPERTISE LIVRES
ALAIN VERNA
LES GADZARTS
publient
mais choisir sa mondialisation»
«Ne plus subir
Alain Verna (Ch. 180), PDG de Toshiba TEC Europe Imaging System et ambassadeur de l'Alliance
industrie du futur en Normandie, vient de publier «Fonder une industrie contributive et résiliente»,
un livre qui participe au débat sur la réindustrialisation de la France. Entretien avec l'auteur.
Fonder une industrie
contributive
et résiliente
Alain Verna (Ch. 180),
éd. La Fabrique de l'industrie,
les Docs de la Fabrique,
mars 2021, 224 p.
Voilà un beau témoignage
d'un directeur ayant l'industrie
chevillée au corps (lire
également son interview cicontre).
Dirigeant Toshiba
TEC, qui assemble des photocopieurs
à Dieppe (SeineMaritime),
il raconte les actions
mises en place pour
que son usine survive à l'entrée
de la Chine dans la compétition
industrielle. Une
idée résume son combat :
s'adapter à la mondialisation
en s'appuyant sur les forces
locales. Le système économique
qu'il a contribué à
mettre en place sert autant le
territoire que son entreprise.
Aujourd'hui, la lutte évolue
avec le lancement d'un nouveau
service, le «manufacturing
as a service», mode de
production dit «agile» basé
sur une chaîne d'entreprises
capables de s'organiser pour
produire un produit à la demande.
Cela ne suffira certes
pas à garantir la vie éternelle,
alors la réelle leçon de ce témoignage
est : chaque jour
qui passe doit inventer le
jour d'après !
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AMMag - Pourquoi avez-vous
souhaité raconter votre expérience
d'industriel ancré dans
un territoire ? (1)
Alain Verna - À l'heure du débat
sur la «relocalisation», terme
auquel je préfère celui de «réindustrialisation»,
j'ai cru opportun
d'exposer les actions
qui ont permis l'adaptation
réussie à la mondialisation de
l'usine pour laquelle je travaille.
J'espère alimenter ainsi
la discussion et, pourquoi pas,
inspirer d'autres acteurs. La
réindustrialisation repose sur
des facteurs externes et internes
à l'entreprise. Les premiers
regroupent la réduction
des taxes, l'adaptation de la
réglementation ou tout autre
élément favorisant la compétitivité
globale d'un tissu économique.
Sur ces facteurs-là, l'industriel
n'a aucune prise. Par
exemple, que se passera-t-il
quand les aides s'arrêteront ?
En revanche, l'industriel a
beaucoup d'influence sur les
facteurs internes, notamment
sur les relations avec les salariés,
les fournisseurs et les
Alain Verna (Ch. 180)
Alain Verna est le PDG de Toshiba TEC
Europe Imaging Systems, la division industrielle
du groupe japonais basée en
Normandie. Il a transformé l'activité historique
d'assemblage de photocopieurs
en un système de services logistiques à
forte valeur ajoutée. Il a été président de
la filière logistique Seine-Normandie de
2013 à 2020 et préside actuellement
l'UIMM territoriale Rouen-Dieppe. Il est
aussi le fondateur de la grappe d'entreprises
Vialog, fédérant les savoir-faire
d'une quinzaine d'entreprises locales.
clients. Ces relations sont essentielles quand elles
partagent à la fois une vision venue de la direction et
un mode opératoire tel que le vivent les salariés.
AMMag - Quelles étapes clés avez-vous vécues ?
A. V. - Notre site industriel, l'usine d'assemblage de
photocopieurs Toshiba (2)
, est impliqué dans la mondialisation
depuis sa naissance. Au cours des premières
années, il a bénéficié d'une mondialisation heureuse :
les Japonais localisaient des sites industriels en Europe
afin d'éviter une taxe anti-dumping. Après l'usine
d'assemblage, suivirent l'installation d'une usine de
poudre pour cartouches d'encre de photocopieurs et
celle d'un centre logistique de dimension européenne.
N°428 / Juin-juillet 2021
La bascule a eu lieu en 2001,
quand la Chine intégra l'Organisation
mondiale du commerce.
Les avantages financiers,
fiscaux et réglementaires
offerts par ce pays ont encouragé
les industriels du monde
entier à délocaliser leur production
là-bas, notamment
dans les zones économiques
spéciales telle que Shenzhen.
Alors vint le temps de la mondialisation
subie.
Afin de garder l'assemblage des
photocopieurs à Dieppe, en
Seine-Maritime, nous avons
lutté sur un terrain que ne pratiquaient
pas les usines à bas
coût : nous sommes passés
d'une production planifiée
trois à six mois à l'avance à une
production hyperflexible,
c'est-à-dire capable d'adapter
les moyens de production et
les règles de l'organisation au
jour le jour. Les acteurs de
cette transformation voulue
sont les salariés, les fournisseurs
et les clients. Les premiers
ont accepté de nouvelles
règles et une mise à niveau
professionnelle. Avec les deuxièmes,
nous avons établi une grappe d'entreprises
formant une chaîne économique solidaire et ancrée
territorialement. Avec les troisièmes, nous avons noué
une relation très forte, faite de services personnalisés
dotés d'une forte valeur ajoutée. Il n'y a pas de recette
toute faite au succès mais la remise en question permanente
participe à la résilience de l'entreprise.
Aujourd'hui, Toshiba continue son aventure locale et
mondiale en servant l'Europe en photocopieurs et en
cartouches d'entre et la Chine en poudre noire.
Propos recueillis par D. K.
(1) Lire l'encadré ci-contre.
(2) Lire aussi AMMag de février 2021, p. 22.
PHOTO DR

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