Arts&MétiersMag - N°428 - Juin/Juillet 2021 - 55

L'institution Livet fut fondée
en 1846 à Nantes. La pension
Notre-Dame n'occupait qu'un
étage d'une grande maison
et trois cabines en bois recevant
une dizaine d'élèves chacune.
Un prêt de 80 000 francs lui permet d'acheter
un terrain de 6 000 m² en ville. Avec un architecte
consciencieux, il fait construire un bâtiment,
puis un deuxième. En 1864, il s'installe
dans ses nouveaux locaux de la rue Sainte-Marie
et, à 44 ans, le succès est là. Un troisième
bâtiment est achevé en 1867. Deux ans plus
tard, son fils le rejoint.
E
ugène Livet naît le 13 août 1820 à
Vernantes (Maine-et-Loire) d'un père
gendarme et d'une mère ménagère. Il
apprend à lire et à écrire pendant la
veillée, son père lui enseigne le calcul.
Il fréquente un peu l'école, puis, quand son père
est muté à Bourgueil (Indre-et-Loire) en 1828,
il entre au collège tenu par des prêtres. Les cours
y étant inintéressants, il se réfugie souvent dans
le grenier de ses parents pour lire.
RÉVÉLATION À L'ÉCOLE NORMALE
Deux ans plus tard, il s'ennuie toujours, mais
à présent au collège de Beaufort-en-Vallée
(Maine-et-Loire). À 14 ans, il se rêve général et
veut s'engager comme élève trompette à Saumur.
Le maire lui propose d'être plutôt sous-maître
d'école mais ses deux expériences le déçoivent.
Alors, il rejoint la toute nouvelle École normale
d'Angers, où il trouve enfin un enseignement à
la hauteur de ses attentes. À 18 ans, il est nommé
instituteur à La Pouèze. Il est remarqué par
son inspecteur, qui lui offre un poste de maître
adjoint à l'École normale d'Angers. Livet y donne
des cours de pédagogie pratique pour faire appliquer
aux élèves les leçons reçues dans toutes
les matières. Grâce à un meilleur salaire, il paie
des professeurs qui lui apprennent le latin et le
grec, la rhétorique et la philosophie, les mathématiques,
physique et chimie. Il découvre l'enseignement
des Arts et Métiers.
Pendant cinq ans, il mûrit ses idées sur l'enseignement.
Il veut mieux former les ouvriers, en
joignant à l'apprentissage manuel un programme
de connaissances de base (écriture, lecture,
calcul) et de culture générale. Il expliquera son
credo dans son autobiographie : «Si, par la
culture de l'esprit, vous préparez l'élève à la vie
intellectuelle et aux professions où l'esprit a le
plus de part, par la culture des facultés manuelles,
vous le préparez à toutes les professions
qui ont pour but la transformation et l'usage de
la matière. En pratiquant dès le jeune âge cette
double culture, on s'assurera promptement
quelle sera celle pour laquelle l'élève aura le plus
de goût et d'aptitude ; on ne s'exposera pas à
une déception souvent sans remède. De là, nécessité
d'introduire le travail manuel
dans l'enseignement.»
LES ÉLÈVES AFFLUENT
Le 1er
juillet 1846, à 26 ans, Eugène
Livet achète une petite école primaire
à Nantes : la pension NotreDame
n'occupe qu'un étage d'une
grande maison et trois cabines en
bois recevant une dizaine d'élèves
chacune. Il acquiert deux étaux à
crédit. Le nombre d'élèves augmentant
chaque année, les locaux
sont vite exigus. Bien qu'endetté,
Eugène Livet loue le bâtiment
d'une ancienne institution de
jeunes filles. Après la révolution
de 1848, il sollicite un prêt pour
ouvrir une nouvelle école rue de la Verrerie. À
la rentrée, il reçoit 80 élèves et, huit ans plus
tard, ils seront 200. Et leur nombre croît encore.
En 1894, l'institution Livet compte quatre
bâtiments rue Sainte-Marie à Nantes et accueille
des centaines d'élèves avec leurs professeurs.
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N°428 / Juin-juillet 2021
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UNE PAGE D'HISTOIRE SE TOURNE
La confiance en l'institution Livet est telle que
le Crédit foncier accorde un prêt qui servira à
rembourser les créanciers. Livet acquiert étaux
et établis et crée un atelier de fonderie. Durant
la guerre de 1870, l'école répare et fabrique des
armes et les ateliers sont réquisitionnés. Après
la guerre, il y a plus de 100 pensionnaires et
270 externes. Avec un de ses anciens élèves entrepreneur,
il crée un nouvel atelier de 450 m²
où les élèves fabriquent une machine à vapeur
de 8 chevaux. Les élèves participent à des chantiers
de la ville et électrifient l'école en 1895. Un
autre bâtiment est construit pour accueillir plus
de 200 pensionnaires et des professeurs, une
école d'horlogerie et de nouveaux bureaux.
Eugène Livet a plus de 70 ans. Lui qui a été en
avance sur tout le monde voit la concurrence se
développer avec les progrès de l'enseignement
public et gratuit (lire pages précédentes).
Il vend son institution à l'État en 1898. Retraité
à 78 ans, son fils parti pour Paris, Eugène Livet
vit seul dans son appartement, où il décède le
22 août 1913, à 93 ans. Une foule nombreuse
viendra lui rendre hommage lors de ses obsèques
à l'église paroissiale.
Ph. B.-C. (Ch. 172)
ILLUSTRATIONS ARCHIVES DU LYCÉE LIVET
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