Arts&MétiersMag - N°433 - Février 2022 - 56

HISTOIRE & PATRIMOINE MÉMOIRE DE GADZARTS
entrée de plain-pied dans cette activité. Entre 1991 et
2001, les guerres de l'ex-Yougoslavie faisaient rage. L'amiral
Alain Coldefy commandait le porte-avions «Foch» lors de
la guerre du Kosovo, de mars 1998 à juin 1999. En 2020,
dans son livre «Amiral - le Sel et les Étoiles», il regrette l'absence
de drones tactiques au sein des forces françaises : «Avec
des budgets limités, comment ne pas faire d'erreurs ? Ou,
du moins, ne pas faire face à des impasses.» Il parlait en
connaissance de cause, en particulier pour les engagements
de l'aéronavale française, admiratif qu'il était du drone d'observation
américain en opération, le MQ-1 Predator - «proprement
fantastique» écrit-il. Dans les années 90, des systèmes
de surveillance aériens avaient déjà été déployés ou
Lancé par catapulte,
le Sperwer, nom
néerlandais de
l'épervier d'Europe,
fut déployé pour
la première fois
en 1998 par les
Pays-Bas, engagés
en ex-Yougoslavie pour
le compte de l'Onu.
La France n'adopta
ce drone de Sagem
qu'en 2004.
étaient en cours de déploiement en Europe, tels le CL-289
de SAT-Canadair ou le Brevel de Matra-Dornier. Ils répondaient
à un besoin de renseignement préstratégique mais
n'offraient pas de retour en «temps réel». Le Phoenix britannique
connut un usage épisodique lors de la seconde
guerre du Golfe, à partir de 2003. Mais son taux d'attrition
lui a été fatal (23 pertes en mars et avril 2003).
Pour ses besoins de renseignements tactiques, avant de s'engager
en ex-Yougoslavie, l'armée de terre française lançait
en 1992 un «crash programme» pour se doter d'un moyen
de surveillance autonome. Après appel d'offres, c'est Crécerelle,
fruit de la coopération entre Sagem et SAT, qui fut
choisi. Pourvu de capteurs dans l'infrarouge et le visible, ce
petit avion cible lancé par catapulte était doté
d'une transmission en temps réel.
De nombreux Gadzarts se sont impliqués dans la production de Sperwer par Sagem. L'ouverture de la chaîne
de production en 1998 à Montluçon, dans l'Allier, marque le vrai début de l'industrie des drones en Europe.
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N°433 / février 2022
L'ÉPERVIER REMPLACE LA CRÉCERELLE
Mais, comme le CL-289, Crécerelle était limité
en endurance. De plus, leurs capteurs
n'étaient pas orientables, ce qui nécessitait des
passages successifs au-dessus de l'objectif. Ces
deux appareils ont fait prendre conscience de
la nécessité d'un système européen plus sophistiqué.
Les premiers à exprimer ce besoin
furent l'armée suisse, qui acheta Hunter, un
drone israélien, puis les Néerlandais, qui s'apprêtaient
à s'engager pour le compte de l'Onu
en ex-Yougoslavie. Ces derniers lancèrent en
1994 un appel d'offres international où figuraient
les meilleurs spécialistes. Sperwer, un
dérivé de Crécerelle mis au point par Sagem,
fut retenu. On craignait que l'achat surprise,
sans appel d'offres, du drone Hunter par la
France, qui avait suivi la Suisse en 1995, ne
pipe les dés. Il n'en fut rien et le «Sperwer»,
nom néerlandais de l'épervier d'Europe à la
vue perçante, fut ainsi nommé en remerciement
de l'armée des Pays-Bas, première à le
mettre en service. Spécialité de Sagem, les
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