Arts&MétiersMag - N°434 - Mars 2022 - 48

CONFÉRENCES & DÉBATS CONFÉRENCE
L'ALCOOLISME,
UN FLÉAU TABOU
En janvier, la Soce avait réuni les représentants de trois associations, fédérant notamment des étudiants, des
médecins et des directeurs de grandes écoles, et d'une entreprise. L'objectif ? Échanger ouvertement. Parler de ce qui
demeure un tabou en France : l'alcool, la dépendance à ce psychotrope et tous les risques liés à sa consommation
excessive. Posément, sans stigmatisation, mais sans fausse pudeur non plus.
F
aire corps contre la maladie. Grandes écoles et
entreprises se rapprochent pour lutter ensemble
contre la consommation d'alcool excessive, voire
maladive, en leur sein. En janvier, à Paris 16e
Conférence des grandes écoles, l'association Janvier
, la
sobre (équivalent français du Dry January), la Fondation
santé des étudiants de France et la société Eiffage
Construction étaient réunies le temps d'une soirée à la Soce,
pour un moment d'échanges qui a ouvert la voie à des
témoignages forts. Il ne s'agissait pas de stigmatiser, mais
bien d'informer et d'alerter sur les risques liés à l'alcool.
UN TÉMOIGNAGE POIGNANT
Première à se raconter, Laurence Cottet, présidente de
Janvier sobre, autrice de «Non ! J'ai arrêté !»(1)
. Cette femme,
aujourd'hui patiente-experte dans un service d'addictologie,
sobre depuis plus de dix ans, a tout perdu à cause de l'alcoolisme.
«La maladie alcoolique s'est installée en moi alors
que j'avais 15-16 ans, a relaté Laurence Cottet. Je ne me
rendais pas compte et, surtout, mon entourage était également
dans le déni par ignorance. Avec ma bande de copains,
nous démarrions les soirées vers 19 h. Et cela allait jusqu'à
5 h du matin. Je me souviens avoir vécu des comas éthyliques
mais on n'avait pas conscience du danger. Je m'en sortais
tant bien que mal grâce à mon excellente constitution physique,
après 24 heures de sommeil. Mais c'était pour mieux
recommencer trois ou quatre jours plus tard, dans des fêtes
entre amis, puis entre étudiants. Cet alcoolisme s'installait
beaucoup plus lentement qu'avec la mode actuelle du " binge
drinking " [lire l'encadré ci-contre, NDLR], mais le résultat
était le même. La dépendance s'est ancrée en moi.
«À 25 ans, j'entre dans le milieu professionnel. Je suis juriste
dans le BTP, un secteur où les bonnes bouteilles circulent.
Alors, je tombe tête baissée dans le piège. Je bois durant les
repas d'affaires, les séminaires, les voyages professionnels et
les colloques. Je travaille dur, mais les «open bars» offerts
par l'entreprise, je les connais. À 36 ans, je deviens alcoolique,
c'est-à-dire malade de l'alcool. Le déclic a lieu le
23 janvier 2009 à 12 h 30, lorsque je m'effondre ivre morte
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N°434 / mars 2022
devant 650 cadres supérieurs à la cérémonie des vœux du
nouvel an chez Vinci. Ivresse manifeste publique. Je perds
ma dignité en une fraction de seconde. J'aurais voulu me
cacher dans un trou de souris.
«Mes souvenirs sont flous, mais je suis restée longtemps par
terre, sous le regard de gens horrifiés. Peu m'ont aidée à me
redresser. Trois jours plus tard, on m'a licenciée en bonne
et due forme.» Viendront ensuite la reconstruction de Laurence
Cottet et sa prise en charge par des médecins.
LAURENCE COTTET,
autrice de «Non !
J'ai arrêté !», a
expliqué comment
elle était tombée
dans les pièges de
l'alcoolisme.
PRISE DE CONSCIENCE DANS LES ENTREPRISES...
Dans les entreprises, la prise de conscience fait son chemin.
Ainsi, Franck Gauthier, DRH, a expliqué qu'Eiffage construction
s'est lancée dans une grande campagne de sensibilisation
en 2019 : la société de construction informe ses salariés
sur les dangers de l'alcool au travail et sur les moyens de
prévention face à ce fléau. «Nous voulons ouvrir les yeux
sur les addictions et sensibiliser les équipes pour qu'elles
optent pour une consommation raisonnable, a relaté le DRH.
Une personne alcoolisée sur un chantier est un risque pour
tous. S'il est difficile d'éviter l'alcool mondain, on peut au
moins expliquer à chaque direction régionale ce que cela
FRANCK GAUTHIER,
DRH d'Eiffage
construction, est
venu témoigner de
l'engagement de
l'entreprise
de construction sur
la prévention.
Le Dr Olivier Phan (à g.) et Tristan Hamonnière, de la Fondation
santé des étudiants de France, responsables du programme de
prévention «Peer Care» déployé auprès des étudiants d'Arts et
Métiers et de Centrale, ont parlé de la place de l'alcool dans la vie
étudiante et, notamment, des dangers du «binge drinking».
PHOTO É. ROUBERT / AMM
PHOTO É. ROUBERT / AMM
PHOTO É. ROUBERT / AMM

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