Arts&MétiersMag - N°435 - Avril 2022 - 59

L'arsenal de Fou-Tchéou
(Fuzhou) en 1877,
l'année du départ
d'Ernest Jouvet
(Ch. 1853). Étendu sur
5 ha à Mawei, grande
ville face à Taïpei, c'est
l'un des chantiers navals
construits dans le cadre
du mouvement
d'auto-renforcement du
gouvernement Qing.
La fin de l'arsenal de Fou-Tchéou
matières théoriques, transmission de puissance, résistance
des matériaux. Il est nommé mandarin (haut fonctionnaire)
de 4e
classe par l'empereur lui-même. Sachant qu'un mandarin
de 5e classe est payé environ 12 000 francs de l'époque
par mois (plus qu'un contre-amiral à la mer), on peut penser
qu'Ernest se constitue un fonds pour le futur.
CONSEILLER MUNICIPAL DU HAVRE
En 1877, Ernest Jouvet revient de Chine avec un fils : Ernest
Albert est né en 1874 d'une maman chinoise demeurée
anonyme. Il deviendra Gadzarts (Ch. 1890). Ils s'installent
à Paris, où Ernest père exerce des fonctions d'ingénieur
conseil pour des compagnies maritimes et d'expert auprès
des tribunaux. C'est à cette période qu'il rencontre Alphonsine
Rondeau, d'une vingtaine d'années sa cadette. Ils
se marient le 12 mars 1878. L'un de ses témoins est le lieutenant
de vaisseau Prosper Giquel, son ancien chef en Chine.
Le couple s'installe au Havre en 1880 et c'est là que naissent
ses quatre enfants : Berthe, Cécile, Henri et Andrée. Cette
période de stabilité géographique permet à Ernest
de s'impliquer dans la vie municipale. Il est élu
conseiller municipal du Havre, républicain, de
1882 à 1888, sous la mandature de Jules Siegfried.
Mais, à 57 ans, changement de cap. En 1894,
La guerre entre la France et la Chine reprend en 1881, quand les
Français cherchent à prendre le contrôle du fleuve Rouge, qui relie le Viêt
Nam à la province chinoise du Yunnan. En 1883, les Pavillons noirs,
soldats irréguliers chinois, massacrent des marins et des soldats français.
La riposte est confiée à l'escadre de l'amiral Courbet, qui anéantit la flotte
chinoise et canonne l'arsenal de Fou-Tchéou. L'œuvre de Prosper Giquel
et d'Ernest Jouvet renaîtra néanmoins, pour une trentaine d'années.
Sur le site de l'arsenal, des formes de radoub (1)
subsistent encore. Hélas,
la pagode de la Reine du Ciel, qui veillait sur les marins, a, elle, disparu.
(1)
Bassins qui permettent la mise à sec des navires.
Un brevet parmi
la vingtaine déposée
par Ernest Jouvet
(Ch. 1853) durant sa
carrière d'armurier
fabricant. Celui-ci,
de 1907, porte sur
une cartouche
spéciale à charge
explosive réduite.
Ernest lance en effet une procédure d'enquête d'utilité publique
afin de construire une usine pyrotechnique dans la
Somme, à Feuquières-en-Vimeu. Il s'agit de fabriquer des
munitions pour le ministère de la Guerre. Certains principes
généraux de sécurité pyrotechnique sont appliqués - séparation
des bâtiments, merlons -, mais pas tous : le centre
du village est à 300 mètres et le directeur loge sur le site !
LE BRONZE À L'EXPO UNIVERSELLE DE 1900
Entre 1881 et 1907, Ernest dépose près de vingt brevets
pour des inventions dans des domaines variés : l'asservissement
des moteurs, les appareils hydrauliques, les transmetteurs
d'ordres électriques, les armes à feu,
les cartouches pour armes à feu, les détonateurs,
les robinets d'arrêt automatiques,
les presses, les armes-jouets à
ressort ou l'assainissement des ateliers
industriels. Sa créativité lui vaut une médaille
de bronze à l'exposition universelle
de Paris de 1900. Il décède à 70 ans à
Feuquières-en-Vimeu en octobre 1907 (2)
.
Dans son éloge funèbre, Alphonse Cruz
(Ai. 1879) évoque «sa franche gaîté, ses
vives réparties et ses souvenirs de Chine».
Nous n'avons réussi à entrer en contact
qu'avec une seule arrière-petite-fille
d'Ernest Jouvet, qui ne possède guère
d'archives familiales. Tout portrait du
Gadzarts semble avoir disparu.
Bernard Jacquet (Cl 177)
(1) Le nom était transcrit à l'époque «Fou-Tchéou» par
Commande faite à Henri Jouvet, le fils cadet d'Ernest
Jouvet, qui a repris l'usine d'«armement de tir réduit
de haute précision» de Feuquières-en-Vimeu.
les Français, «Foochow» par les Britanniques.
La graphie «Fuzhou» sera adoptée par la suite.
(2)
Le 26 ou 27 octobre. La date exacte a disparu, la
plupart des archives de la Somme ayant été détruites
lors de la Première Guerre mondiale.
Arts&MétiersMAG
N°435 / avril 2022
59
PHOTO COLECTION PRIVÉE HERVÉ BERNARD, HISTORIEN DE LA MARINE À BIARRITZ
PHOTO COLLECTION J.-J. LOTHE
Arts&MétiersMag - N°435 - Avril 2022

Table des matières de la publication Arts&MétiersMag - N°435 - Avril 2022
