Arts&MétiersMag - N°436 - Mai 2022 - 24

EXPERTISE RENSEIGNEMENT ÉCONOMIQUE
LA SOUVERAINETÉ
DES DONNÉES
Les données numériques d'une entreprise contiennent son savoir-faire et des renseignements stratégiques essentiels
à son avenir. Elles sont trop précieuses pour être bradées par négligence ou excès de confiance.
Raynald Wauters (Ai. 184), fondateur de l'éditeur de messagerie élaborée eMana, dresse le bilan actuel.
Q
RAYNALD
WAUTERS (Ai. 184)
est le fondateur
d'eMana (1)
, éditeur
français, basé à
Aix-en-Provence,
d'une solution de
messagerie
«intelligente», à la
fois boîte aux
courriels, armoire
de classement et
outil de travail
collaboratif. Le
Gadzarts a travaillé
chez Capgemini et
Orange. Expert de la
souveraineté, la
sécurité et la
diffusion des
données, il a
participé au
développement des
systèmes
d'information et de
commandement
pour l'état-major de
l'armée de terre.
(1) https://www.emana.io
u'en est-il de la souveraineté des données numériques
de votre entreprise ? C'est la question
fondamentale que doit se poser tout chef d'entreprise.
Si elles sont soumises aux lois du pays
où elles se trouvent ainsi qu'à celles de l'entreprise
à laquelle elles appartiennent, ces données contiennent
avant tout la somme du savoir-faire et de la valeur de l'entreprise.
Elles sont précieuses.
Avant, les documents d'une entreprise étaient rangés dans
une armoire, placée dans le bureau du dirigeant. Ces données
étaient sous le contrôle de la secrétaire de direction dont les
prérogatives étaient notamment de préserver tous les secrets.
Puis, ces documents ont migré vers des logiciels installés
dans les ordinateurs de l'entreprise. Cette fois, c'était le
service informatique qui était garant de la sécurité des
données stratégiques. De nos jours, la majorité, voire la
totalité des données est inscrite dans des logiciels-services (1)
,
c'est-à-dire dans le «cloud». Et toutes les informations, tous
les documents transitent par courriels, messagerie, gestionnaire
de la relation avec la clientèle ou progiciel de gestion
intégrée. Autant de programmes souvent gérés dans le
«cloud». Les données sont maintenant soumises aux règles
de l'hébergeur des logiciels.
Trois catégories de personnes sont capables d'accéder aux
données : ceux qui ont un code d'accès, des collaborateurs
par exemple ; ceux qui percent les protections du système
d'information, c'est-à-dire des cyberpirates ; et ceux qui
gèrent les données, c'est-à-dire le fournisseur ou l'hébergeur
des logiciels. Très vigilants face à la première catégorie, les
chefs d'entreprise en confient la gestion à leur service informatique.
Des hackers peuvent bien sûr pirater le système,
mais le fournisseur ou l'hébergeur de logiciels garantissent
la non-intrusion de la deuxième catégorie. En revanche, la
troisième catégorie, elle, est souvent ignorée dans la stratégie
de sécurité. Le sujet est même rarement abordé. L'entreprise
fait confiance à ses fournisseurs de logiciels, qui ont techniquement
accès à ses données.
LA LOI DU PAYS DE L'HÉBERGEUR DE LOGICIEL
Juridiquement, l'accès ou l'exploitation des données de
l'entreprise par le fournisseur-hébergeur de logiciels
dépendent de la loi en vigueur dans son pays et de ses
conditions générales de vente (CGV). Les CGV ne peuvent
toutefois pas «supplanter» les lois du pays. Les chefs d'entreprise
ont donc tout intérêt à être vigilants et à connaître
la nationalité de chacune des solutions logicielles hébergées,
car elle sera soumise à la loi du pays.
«Nous utilisons vos informations personnelles pour vous
proposer les produits les plus utiles possible», peut-on lire
par exemple dans les CGV de Google. «De même, nous ne
Les données
numériques
d'une
entreprise
représentent un
enjeu
économique et
commercial
considérable :
elles détiennent
ses savoir-faire,
des
renseignements
sur ses clients,
sur ses brevets,
sur ses
finances, etc.
24 Arts&MétiersMAG
N°436 / mai 2022
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