Arts&MétiersMag - N°436 - Mai 2022 - 72

CULTURE & LOISIRS À LIRE, À VOIR
LES GADZARTS
publient
555
d'Hélène Gestern, éd. Arléa,
janvier 2022, 460 p.
Sonate
oubliée
ROMAN C'est un thriller sur fond
musical. Grégoire, ébéniste d'art,
trouve une partition ancienne pour
clavecin dans l'étui d'un violoncelle
qu'il répare. Intrigué, il la montre
à Giancarlo, un luthier renommé.
Les deux compères décident de
faire jouer ce qui ressemble à une
sonate de Scarlatti par Manig Terzian,
célèbre claveciniste et spécialiste
du maestro italien. Serait-ce la
556e
sonate de Scarlatti, inconnue
jusque-là ? Mais la partition disparaît
lors d'un cambriolage. La recherche
et l'authentification de
cette œuvre mettent en transe le
monde musical : musicologues,
historiens, archivistes, tous
convoitent la 556e
! Mais existet-elle
encore et Scarlatti en est-il
vraiment le compositeur ?
Dans ce roman choral, bien
construit et qui assure un solide
suspense, l'enquête fait resurgir les
liens qui unissent les personnages.
Chacun s'exprime tour à tour et
construit son propre cheminement
en parallèle de l'intrigue. Ces interventions
sont séparées les unes des
autres par la voix d'une personne
mystérieuse (ses textes sont en italique),
qui semble tirer les ficelles
de l'intrigue. L'histoire est prenante,
le style fluide.
H. B.
72 Arts&MétiersMAG
N°436 / mai 2022
Les Antres d'Éric Puybaret,
«l'Homme sans poids» (vol. 1),
éd. Delcourt, coll. Terres de
légendes, février 2022, 56 p.
FantaisieImpromptu
BD
Ni mort ni vivant, Anton ne
pèse plus rien aux sens étymologique
et figuré. Il ne maîtrise pas
sa vie, qui navigue au gré des vents
dans le monde des morts. Tout cela
parce que ses paumes n'ont pas de
ligne de vie. Quelle est sa véritable
destination ? Le royaume de Sedah,
des Antres, du paradis ou de l'enfer
? Un tribunal constitué de trois
sœurs a choisi de lui marquer la
main pour connaître son point de
chute, un temps qu'utilisent les
kidnappeurs à la solde des rives du
Styx pour l'amener au royaume des
flammes. Frédéric Chopin, privé
de piano, ami de circonstance
d'Anton, va-t-il sauver l'infortuné ?
Et que cherche vraiment Quéa, la
plus jeune des juges, qui veut retourner
dans le monde des vivants ?
Sujet original, traité avec des clins
d'œil à des événements ou des personnages
célèbres, tels que Johnny
Hallyday dans un extrait qui hésite
entre hommage et ridicule - qui
aime bien châtie bien. Les dessins
sont remarquables par l'absence de
contour au trait, digne d'un maître
du coloriage. On attend le deuxième
volume avec impatience.
D. K.
La Fable du centaure
de Gabrielle Halpern (texte)
et Didier Petetin (dessin),
éd. HumenSciences, coll. Comic
Science, février 2022, 120 p.
Voyage
initiatique
BD Cette œuvre exigeante est
née de la rencontre d'une Normalienne
éprise de la chose publique,
Gabrielle Halpern, et
d'un Gadzarts passionné de dessins,
Didier Petetin (Ch. 187).
L'histoire, celle d'un être mi-humain
mi-animal, est inspirée de
l'essai «Tous centaures», tiré des
travaux de recherche de l'autrice
sur l'hybridation. Difficile d'être
incluse dans un groupe social
quand on est différente. La violence
du rejet, dès l'école, bouleverse
notre jeune centaure,
qui quitte le foyer pour un long
voyage initiatique. Elle rencontre
une faune aussi bigarrée
qu'obtuse jusqu'au blob qui lui
lance : «Chaque collectif a besoin
d'une forme de pureté interne,
d'homogénéité absolue :
gare au grain de sel étranger qui
viendrait s'immiscer dans le
groupe [...]. Pour résister à
cette pulsion d'homogénéité, il
faut tout hybrider [...].» La
fable finit sur une déclamation
adressée aux politiques et à tous
les autres : «La société n'est pas
une addition d'identités, elle ne
peut pas être une addition d'intérêts
particuliers.»
D. K.
Emma sortit à cinq
heures de Pierre Fiastre,
Second Degré éd., Books on
Demand, février 2021, 176 p.
Un five
o'clock
ROMAN Comme le Césariot de la
trilogie de Pagnol, Pierre Fiastre est
Polytechnicien et Marseillais. Si son
parcours professionnel passe par
de grands projets urbains, du quartier
Euroméditerranée à la réplique
de la grotte Cosquer, son côté artiste,
après un album de photos, se
lance ici dans un roman tout à la
fois ambitieux et léger.
Revoilà, centenaire de Flaubert
oblige, Emma Bovary séduite par
l'animateur d'un atelier d'écriture
où elle trompe son ennui. Quid du
mari ? Pas question de divulgâcher
la suite.
Le lecteur amoureux de littérature
tentera de repérer les trames d'intertextualité
subtiles qui pimentent
l'intrigue sans la charger. Cela commence
dès le titre qui agglomère
l'hyper héroïne romanesque à la
mise au ban du roman par «ce con
d'André Breton», comme disait
Saint-Exupéry. Car ce début de récit,
«La marquise sortit à cinq
heures», est tiré du «Manifeste du
surréalisme», comble de banalité
et devenu incipit rituel d'œuvres
modernes, de Claude Mauriac à
Frankétienne. Ici, c'est un signe
d'autodérision.
H. F.
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