Arts&MétiersMag - N°437 - Juin/Juillet 2022 - 51

quand leurs finances le leur permettaient, un bifteck-frites
en regardant le journal de 20 h, un match ou les mythiques
«Cinq Colonnes à la une». Et, souvent, y retentissaient
hymnes gadzariques, chansons paillardes ou à boire, bruits
de ménagerie et autres concours de rots en Y, le tout conclu
par une cannib's endiablée.
«Le sourire de la Mère En's nous chauffait le cœur autant
que le velours de ses bouteilles enflammait nos têtes et que
ses robustes nourritures nous rassasiaient l'estomac. Souvenirs
aussi indélébiles que l'âcre odeur de tabac et de friture
qui imprégnait nos cheveux et nos manteaux après ces agapes
prolongées.» Augustine Robert décédera brusquement en
son établissement le 9 avril 1962, soit quelques semaines
avant que la promo An. 159-163 ne quitte Angers pour une
quatrième année parisienne.
LA GÉNÉREUSE MÈRE OD'S
exclamations des joueurs de 421, les dés secoués dans les
cornets de cuir et grésillant comme des pois sauteurs du
Mexique, les interpellations amicales accueillant les nouveaux
arrivants, les éclats de rire accompagnant une plaisanterie,
la serveuse glissant comme sur un rail derrière le
zinc», autant de souvenirs vivaces de Claude Jeanblanc.
Si la Jac's - Jacqueline, la serveuse - tenait le zinc, la Mère
En's régnait, elle, sur l'arrière-salle : c'était une pièce étroite
où les clients déjeunaient ou dînaient devant un poste de
télévision noir et blanc posé sur une étagère fixée au mur.
Le soir, elle était toujours bondée. Les Gadzarts y dévoraient,
Au café du Soleil,
place du Pélican, à
Angers. En ce jour de
juin 1933, le Sol's fêtait
la délivrance de la
An. 130. L'endroit est
devenu une pizzeria de
la place PierreMendès‑France.
Au
carrefour entre le boulevard du Ronceray et la rue Beaurepaire,
«le bistrot, explique Jacques Gueguen (An. 160),
s'appelait Chez Odette : nous allions donc chez la Mère Od's,
une vieille veuve dont nous étions un peu les enfants. Dans
le fond de sa petite salle, nous regardions la télévision -
surtout " Sports dimanche " , avec Chappate, Zitrone ou
Couderc. Si le film du début de soirée le méritait, la Mère
Od's nous faisait à manger. Soit un sandwich, soit une omelette-frites.»
Jean Jacques Humeau (An. 160) renchérit : «Je
me souviens avec émotion de la Mère Od's, qui nous réchauffait
d'un œuf sur le plat jusque tard dans la nuit, surtout
à l'arrivée du dernier train des décales. Elle tenait ardoise
pour tous, parfois durant un mois entier... quand elle n'en
faisait pas les frais.»
Le café du Ronceray, au 16 du boulevard éponyme, semble
avoir pris aujourd'hui le relais sous l'appellation Chez la
Mère. Selon Quentin Brice et Guillaume Cerf, deux An. 221,
les élèves ont affublé le tenancier, qui se prénomme Gaël,
du surnom de... Maman ! Lors de son installation, les Gadzarts
sont venus l'aider pour ses travaux de rénovation. Aux
murs, sont accrochés de nouveaux souvenirs et trophées
gadzariques. D'autres bars ont la faveur des élèves, tels que
le Gainzbar, rue des Poeliers, ou l'Alibi, place de la Laiterie,
dans le quartier de la Doutre.
Jean Pecastaing (An. 160)
(1) Lire AMMag de mars 2022, p. 59.
(2) Un viscrit était un élève de deuxième année ; dérivés : «viscrital(e)», adjectif,
L'abus d'alcool est dangereux pour la santé.
«viscraillon», ensemble des viscrits.
(3)
(4) Lire aussi AMMag d'octobre 2021, p. 58, et de novembre 2021, p. 60.
(5) Si un lecteur sait localiser précisément ces deux établissements situés entre la
gare et l'École, qu'il nous écrive par courrier ou à amm@arts‑et‑metiers.asso.fr
Merci ! Les appellations «la mère Unetelle», «le père Untel» étaient courantes
dans les campagnes aux XIXe
et XXe siècles, préférées aux formels «Madame»,
«Monsieur», qui servaient plutôt à nommer les bourgeois, dont les patrons.
(6)
De nos jours, il y a une agence immobilière.
(7) Le gorille était l'intendant en charge du déguel's (la cantine).
Les élèves ont affublé le tenancier de Chez la Mère, qui se
prénomme Gaël, du surnom de... Maman ! Lors de son
installation, les Gadzarts sont venus l'aider pour ses travaux.
Sources
* «Ami, entends‑tu le vol bleu des Gadzarts sur la Maine ?» de Claude Jeanblanc (An. 159),
ouvrage en vente sur https://fondationartsetmetiers.org (lire AMMag de mars 2022, p. 59).
Des passages dans le texte sont tirés de cette œuvre.
* «Un siècle sous les cloîtres du Ronceray», de Jules Guillou (An. 112), 1956.
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PHOTO Q. BRICE (AN. 221)
PHOTO ARCHIVES J.-J. HUMEAU (AN. 160)

https://www.fondationartsetmetiers.org https://www.nxtbook.fr/newpress/Arts_et_Metiers/Arts_et_MetiersMag-2203-434/index.php?startid=59

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