Dauphinews - Le magazine de la #D-Family - N°1 - Octobre 2019 - 21

idée

produit final ou intermédiaire
étant consommé dans les pays
développés. Des relocalisations
ou des renoncements à
délocaliser (non-délocalisations) se multiplient.
ASPIRATIONS NOUVELLES
DU CONSOMMATEUR ET
AUTOMATISATION
CHANGENT LA DONNE
De surcroît, les aspirations
nouvelles du consommateur et
l'automatisation des processus
de production changent la
donne. La demande de
nouveauté, de personnalisation
et de disponibilité immédiate
des produits est en forte
hausse. Refusant l'obsolescence programmée et l'utilisation irraisonnée des ressources
naturelles, un nombre croissant
de ménages se tournent
également vers des biens de
consommation de qualité,
durables et respectueux de
l'environnement. Autant de
souhaits pour l'heure incompatibles avec une fabrication dans
des économies-ateliers à
faibles coûts salariaux. Les taux
d'intérêt bas favorisent quant à
eux l'investissement des
entreprises dans l'automatisation et la robotisation de leur
process de production... et leur
retour "au pays". Kusmi Tea,
parmi des dizaines d'exemples,
a relocalisé son usine d'ensachage de thé en 2014 en
Normandie, tâche qu'assurent
désormais des robots japonais.
L'IMPACT SUR L'EMPLOI :
FAIBLE MAIS CIBLÉ
Quel est l'impact de ces
phénomènes de délocalisation
Dauphinews

puis de relocalisation des
activités industrielles sur
l'emploi ? À l'échelle macroéconomique, les effets sont peu
sensibles. En 2013, une étude
de l'INSEE portant sur 28 000
entreprises françaises de plus
de 50 salariés révélait que 5 %
d'entre elles seulement
délocalisaient vraiment, dont la
moitié en Europe. Mais les
conséquences "locales"
peuvent être extrêmement
dommageables dès lors que
l'activité qui s'expatrie constituait le principal poumon
économique du territoire où
elle était implantée. Comme il
n'y a pas de compensation de
ces chocs, les travailleurs mis
au chômage restent verrouillés
dans ces bassins d'emploi en
difficulté. La relocalisation
d'une activité - souvent
synonyme d'automatisation de
la production, comme pour
quelques cas de relocalisation
dans la lunetterie ou les
jouets - s'accompagne de
création de postes techniques,
à forte valeur ajoutée, et
contribue à la régénérescence
du tissu local de sous-traitance,
mais n'a qu'un effet marginal
sur l'emploi peu qualifié.
LA DÉLOCALISATION DES
SERVICES : UN PHÉNOMÈNE D'UNE TOUT AUTRE
AMPLEUR
Plus préoccupant est le vent de
délocalisation soufflant sur le
secteur tertiaire, qui concentre
75 % des emplois en France et
en Europe. La règle qui préside
aux activités de services est la
synchronie entre la consommation (demande) et la produc-

tion (l'offre) du service, qu'il soit
destiné aux entreprises ou aux
consommateurs finaux. Or,
l'avènement des technologies
du numérique permet de
respecter cette concomitance
tout en délivrant la prestation à
distance dès lors qu'elle a pour
nature la production et
l'échange d'informations. Dans
les banques, les compagnies
d'assurances, chez les distributeurs ou les fournisseurs
d'énergie, des centaines
d'emplois intermédiaires dans
le domaine de la relation client,
de la comptabilité, de l'informatique, du juridique, voire de la
R&D, partent chaque année
dans des pays à bas coûts.
Seules sont inéligibles à la
délocalisation les activités dans
lesquelles la nécessité de la
synchronie se double de celle
de la proximité géographique :
coiffure, restauration, nettoyage, jardinage, services de
soins à la personne...
LES CLÉS DU "MAINTIEN À
DOMICILE" DES ACTIVITÉS
ET EMPLOIS DE SERVICES
Dès lors, comment espérer
maintenir en France les
activités et emplois de services
potentiellement délocalisables ?
La question est souvent
esquissée au plus haut niveau
de l'État. L'incitation à la
relocalisation des centres de
relation client "off-shore" des
grandes entreprises françaises
fait ainsi actuellement débat à
Bercy. Mais chacun connaît les
limites de ce type de mesures.
Seulement 6 % des entreprises
industrielles qui ont relocalisé
entre 2005 et 2015 ont utilisé

les aides dédiées de l'État. À
mon sens, l'effort des pouvoirs
publics comme celui des
entreprises, concertés et
conjugués, doivent porter sur la
formation aux compétences
d'avenir. Nombre d'études aux
conclusions concordantes
prédisent que ces compétences
sont cognitives, managériales,
axées sur l'innovation et le
respect de l'environnement.
Autant d'avantages "hors prix"
dessinant des services marqués
du sceau de la responsabilité
sociale et environnementale,
gage de qualité, de personnalisation, de proximité, de sécurité
et de confidentialité des
informations échangées. Un
"made in France" du secteur
tertiaire, en somme, comparable à celui des biens manufacturés, qui séduit de nouveau
un nombre croissant de
consommateurs. *

 Pour aller plus loin

Mondialisation et
délocalisation des
entreprises, La Découverte,
Paris, 2017.

21
https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Mondialisation_et_d__localisation_des_entreprises-9782707194572.html
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